"Il est des portes sur la mer que l'on ouvre avec les mots"
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« Le fils avait changé. Il tournait en rond. À la maison. Sur le bateau. Dans sa tête. À ne plus guère sourire. À ne plus guère causer non plus. À rêver d'autre chose sans trop savoir quoi. À faire sa crise entre terre et mer. À force de vivre dans cette frange incertaine de pays, à se cogner entre deux infinis, on se chamboule l'esprit. On ne sait plus si on doit se jeter d'un côté ou de l'autre. On attend des mots mais ils ne viennent pas. Et lui, maladroit, qui ne savait pas comment parler au fils qui dérivait. Le questionner. L'aider. Le soutenir. Lui dire qu'il avait cette chance d'être un jour son propre maître. À jamais et pour toujours. Que le métier était dur peut-être, que les nuits étaient leurs jours, qu'ils vivaient à l'envers de tout, mais que chaque jour était nouveau. Que chaque aube n'avait rien de semblable avec la précédente. Que chaque marée n'était pas la soeur d'une autre. Que leur vie se composait de chapitres toujours neufs, écrits avec leur liberté et avec la beauté du monde. Qu'il lui dise bordel où trouver pareil feu ? » Le Rature est toujours le premier bateau à quitter le port et le dernier à y rentrer et le père sait qu'il est là à l'exacte place de la Terre où il doit être. Peu de paroles, des gestes surtout, toujours les mêmes, et une manière d'appréhender le monde, de lire le ciel, les nuages, les étoiles, ce langage est le sien. Le jour où il a emmené son fils pour une journée de pêche il s'en souvient comme d'un rêve. Son fils. Qui serait pêcheur comme lui l'était devenu. Après son père.Et pourtant, le fils est parti. Faut-il espérer son retour ? L'illustratrice Lucille Clerc a retranscrit toutes les nuances déployées par le texte pour lui faire écho et l'accompagner, jouant du dessin, des matières et techniques, gravure, encre, photos... Comment traduire, le froid, le manque, la tristesse mais aussi l'amour, la force des liens, la transmission, la joie de la complicité. Ses illustrations incarnent magnifiquement toute la sensibilité du récit.
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«Je suis entièrement sous l'eau. La pointe de mes cheveux effleure la surface toute proche. Je les sens danser librement. Les bras se déploient avec légèreté, les mains se délient, dialoguent avec le fluide. Les pieds qui reposent à peine sur le fond ajustent leurs appuis. L'équilibre est rétabli. Le corps que la gravité a cloué sur terre retrouve ses réflexes aquatiques. Je reste ainsi quelques secondes dans une immobilité relative en forme de recueillement. La mer m'a tant manqué.»Champion du monde d'apnée en 2011, Guillaume Néry bat à quatre reprises le record du monde d'apnée en poids constant (descente et remontée à la seule force des palmes ou sans). Victime d'un accident de plongée en 2015, deux jours après avoir battu un nouveau record français, il frôle la mort et décide d'arrêter la compétition. Il se consacre désormais à la transmission de son amour pour les océans par l'image et l'écriture.
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Commandant
Sandro Veronesi, Edoardo de Angelis
- Grasset et fasquelle
- En Lettres D'ancre
- 27 Septembre 2023
- 9782246835059
Gibraltar, 3 octobre 1940. Salvatore Todaro, le Commandant du Cappellini, sous-marinier de la Marine italienne, doit décider de la profondeur de navigation. Franchir le détroit de Gibraltar expose au plus grand des dangers, les Anglais tirent en continu. Mais Todaro a l'habitude des missions périlleuses. Et celle-ci n'est pas des moindres : tendre une embuscade au milieu de l'Atlantique.
Après des jours d'ennui et de diagonales inutiles, un navire est enfin repéré. Un cargo commercial. Il navigue dans la zone identifiée, tous feux éteints. Son pavillon demeure invisible. Mais l'Enseigne de vaisseau distingue un canon sur son pont. Todaro n'hésite pas : il le torpille. Bientôt, des ennemis rejoignent le périmètre du sous-marin à la nage. « Commandant, qu'est-ce qu'on fait ? ». Cette question, Todaro se la pose depuis des jours. Il prend alors la décision, enfreignant tous les ordres reçus, de secourir ceux qui étaient jusqu'à présent des adversaires et qu'il considère désormais comme des naufragés. De là, une cohabitation de plusieurs jours dans un espace exigu met les nerfs de son équipage à rude épreuve. Ainsi chargé, le sous-marin ne peut plus s'immerger, faisant prendre tous les risques à ses propres hommes...
À travers les voix de plusieurs membres de l'équipage, Sandro Veronesi, avec le réalisateur italien Edoardo de Angelis, reconstruit cet épisode bien réel de la Seconde Guerre mondiale, avec toute la puissance narrative qui est la sienne. Le Commandant Todaro, sous leur plume, devient un personnage inoubliable d'humanité et de force de caractère. Car sauver des vies en mer n'est pas seulement une obligation légale, mais bien une obligation morale, comme le proclame le Commandant : « Nous sommes des marins, des marins italiens, nous avons deux mille ans de civilisation derrière nous, et nous agissons en conséquence. » Traduit de l'italien par Dominique Vittoz -
Un huis clos d'une noirceur à faire fondre la banquise L'heure du raid a sonné sur la base de Cap Prud'homme en Antarctique, et l'expédition s'annonce sous haute tension. Au volant des dameuses et des tracteurs qui permettent l'acheminement de provisions sur la station Concordia, sept hommes et une femme. Pour atteindre leur objectif, ils doivent parcourir 1200 kilomètres et se hisser à plus de 3000 mètres d'altitude dans des conditions extrêmes. Dix jours d'isolement total par -50°C, à slalomer entre des crevasses en plein blizzard. Dix jours au cours desquels le moindre imprévu peut tourner au désastre. Ici, la menace vient toujours de l'extérieur. Lorsque le charismatique leader du raid disparaît, tout le monde croit à un accident. Pourtant, son cadavre mutilé permet d'en douter. Et si, parmi les membres de l'expédition, quelqu'un n'avait pas l'intention de s'arrêter en si bon chemin ? Ce huis clos angoissant est d'une noirceur à faire fondre la banquise.
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L'auteur de polars polaires Mo Malø a vécu en immersion parmi les chasseurs d'ours du Groenland pour mieux enquêter sur cette tradition millénaire qui perdure dans un monde où l'animal est aujourd'hui le porte-parole du changement climatique.
Groenland, 74e parallèle Nord, 450 habitants coupés du reste du monde par la banquise hivernale, dont une poignée de chasseurs d'ours polaires.
A priori, pas le genre de personnes à ouvrir facilement leur porte. Et pourtant...
À raison de virées de près de douze heures d'affilée à traîneaux par -30°C, en immersion totale, Mo Malø a suivi la traque de l'animal emblématique sur ces immensités septentrionales et vécu une aventure humaine auprès des Groenlandais qui l'ont initié à cette pratique. Il a tenté de mieux comprendre la perpétuation de cette tradition ancestrale dans un monde en mutation accélérée, où l'ours symbolise plus que jamais le dérèglement climatique et notre conscience écologique. Le récit de ce cache-cache entre le nanook et les humains permet de toucher du doigt la mélancolie de cet " éternel errant ", spolié de ses terres, et de montrer à quel point leurs destins sont liés. -
Il aurait pu commander le paquebot France ou finir amiral. Il a préféré se «promener sur des bateaux à voile», les célèbres Pen Duick d'Éric Tabarly, dont Gérard Petipas a été le navigateur - l'homme chargé de faire le point - durant les années les plus glorieuses. Après avoir moissonné toutes les victoires possibles, Petipas est devenu l'associé du plus célèbre des skippers, son second à terre, son agent, l'homme sans lequel Éric Tabarly n'aurait pu continuer à gagner, peut-être même à naviguer. Capitaine au long cours, Gérard Petipas a passé sa vie à se réinventer. Dans ces mémoires, il se retourne sur un sillage de plus de soixante années, commencé à bord d'un petit chalutier normand, suivi de voyages en cargo au bout du monde, de missions à bord d'un navire de guerre et de courses à la voile avec Tabarly. Après ces centaines de milliers de milles en mer, Petipas a entamé une autre course à terre, pour créer de toutes pièces une entreprise profitable aux activités aussi variées que la fabrication de bateaux, l'édition de best-sellers ou l'organisation de courses. Ce livre raconte au plus près un Éric Tabarly intime et la vie trépidante de son ami le plus proche. Une vie de marin.
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«Splach, le moussaillon vient tout juste de s'endormir quand le panneau coulisse et déverse son déluge sur le plancher du carré. Faut voir comme il sursaute, Petit Roux, il se dresse sur les coudes avec la tignasse hérissée et la gueule en sabord. C'est le moment, vocifère Furieuse en dévalant les quatre planches de la descente.» Un soir, à la proue du Ghost, un jeune marin s'oppose au reste de l'équipage. Sa mère, Câline, vient de mourir. Et, dans ce monde recouvert par les eaux montantes, le voilà qui lui murmure le serment de trouver un îlot où l'enterrer dignement. Même si pour cela il lui faut braver les lois et trahir les siens, même s'il doit s'enfuir, disparaître, désormais seul sur l'étendue tumultueuse. Il se jette alors d'une embarcation à l'autre en quête d'une terre promise, déjouant la foudre des éléments et la fureur des hommes, défendant le corps maternel au péril de sa vie, jusqu'au bout de la Mer-océane, jusqu'au jardin interdit. Avec «Étraves», Sylvain Coher réinvente le récit maritime dans une langue éclatante, aussi précise que ludique, tout droit sortie des flots. Il nous offre une odyssée atemporelle où résonnent furieusement certains enjeux de notre époque, mais qui nous ramène, surtout, au plaisir incomparable de la fiction, de toutes ces histoires en nous, ferments de notre imagination
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Toutes voiles dehors
Jean Le Cam, Philippe Joubin
- J'ai lu
- Les Grandes Latitudes
- 14 Juin 2023
- 9782290373781
«Vitesse, voile, compétition. Je n'ai jamais imaginé la navigation autrement ; je ne pourrais jamais la voir différemment. Et cela reste ma seule passion.»Avec l'humour et le franc-parler qu'on lui connaît, Jean Le Cam revient sur son incroyable carrière de marin. De ses débuts avec Éric Tabarly au mythique Vendée Globe, il nous emmène dans les coulisses de la course au large.