Tunisie 2008, ciel bleu, âmes grises. Pègre et politique ont scellé leurs épousailles, l'affairisme tient le haut du pavé. Non loin de Bizerte, un village qui se meurt en silence où des jeunes embarquent pour l'Italie, les soirs sans lune.
Dans une maison, au bout d'une corniche déserte, deux hommes et une femme se trouvent réunis : Rached, jeune fonctionnaire cupide et désinvolte, Naceur, ingénieur dont la vie, un jour, bascula, et Michkat, avocate en quête de repères.
Tous trois soudés par un même désir, celui d'un avenir qui se fait attendre. La vie patine. À la jointure entre ciel et mer, le bonheur danse, insaisissable. Vivre, vivre... mais comment ?
Un roman puissant qui nous donne à lire une Tunisie rarement décrite. Un tableau d'une société pré-révolutionnaire où le dénuement des uns, le luxe effréné des autres et l'atrophie programmée des valeurs citoyennes ont privé les êtres d'une dimension essentielle : le bonheur du pays partagé.
Une femme qui devient folle. C'est ce qu'entreprend de raconter Samia pendant ses longues vacances d'enseignante. Mais on ne sort pas indemne d'une telle entreprise. A force de s'obstiner à écrire l'histoire d'un être que la déraison éloigne peu à peu des lieux communs, voilà que le propos se défait, les histoires se défont : celle de la folle à propos de laquelle les mots manquent à la narratrice, mais surtout... la sienne propre.
Mars 2011. Dans les mois qui suivent le départ du dictateur Ben Ali, les Tunisiens entrent dans une période de turbulences. La vie quotidienne reprend ses droits, mais dans la ville, avant les élections d'octobre qui porteront au pouvoir les islamistes, les êtres sont habités par une paix vide. Étrangement, c'est leur peau qui manifeste leur désarroi. Ainsi Jaafar s'inquiète de voir la tache de prière sur son front grandir démesurément ; quant à son épouse, Zeineb, elle ne sent plus les parfums sur son corps. Sonia, leur fille, rêve de se procurer un visa pour quitter le pays, mais voilà qu'elle s'éprend d'un inconnu, dont les doigts marquent sa peau d'une trace indélébile. Hechmi, islamiste militant, qui porte sur lui les stigmates de la torture des sbires de Ben Ali, se met même à douter de sa foi et de « la cause ».
Quel destin pour ces personnages en attente ?
Adel a 18 ans. Les études l'ennuient, il quitte la maison, part sur les routes. Au hasard d'une nuit d'orage sur un bateau, la pluie le lave et le défait. De retour chez lui, il se met à manger du cru. Autour de cette anecdote gravitent trois personnages : le narrateur, écrivain en quête d'inspiration qui décide d'écrire les aventures d'Adel, le père du jeune garçon, qui sombre dans l'alcool et puis le professeur d'Histoire, quinquagénaire érudit et fantasque, tourmentée par une homosexualité interdite. Adel cherchait une pureté que rien dans sa vie ne lui donnait à voir. A leur tour, les trois hommes sont rattrapés par la même quête et se trouvent tenus d'y répondre, chacun à sa manière.
A l'image des pointes sèches, griffant le métal et créant des formes à l'insoutenable finesse, ces textes, resserrés sur des éclairs de vies, s'essaient à rendre, en peu de mots, les moments qui nous traversent et nous façonnent. Situations sans fard ni apprêts, issues du quotidien le plus banal. Histoires courtes, esquissant, en un détail, l'essentiel d'une âme. Car, en définitive, qui sommes-nous ? Sous la couche des apparences, couve une lave tiède, où cordialité et tendresse le disputent souvent à l'aversion, voire aux instincts les plus sanguinaires ;
Tout cela croque un bestiaire humain, trop humain, où une mouche, au fond d'une tasse de café, une étreinte dans un aéroport, peuvent suffire à raconter une vie.
Un soir, au théâtre, le rideau refuse de se lever. Contraints mais déboussolés, les acteurs jouent quand même. Tout comme eux, le monde chavire : chaque jour, des murailles s'élèvent, transformant les pays en contrées retranchées et hostiles.
A travers les trajectoires croisées de Caïd, Luana, Ezzou et les autres, ce roman trace un portrait saisissant de notre époque : une planète où les frontières font loi, où les pays se cadenassent, tandis que migrants et réfugiés, relégués derrière un invisible rideau, cheminent sur les bas-côtés de l'existence.
Emna, la quarantaine, avocate tunisienne, mariée, est chargée d'une mission visant à évaluer le degré de civisme et d'autonomie des femmes rurales dans un village conservateur de l'île de Djerba.
Emna découvre des femmes menant une vie de peu, obéissant à des hommes dont la violence n'est pas remise en cause. Elle va surtout découvrir en ces femmes des personnalités attachantes, dont les préoccupations la conduisent vers un domaine encore tu : le corps, à mille lieux des idées reçues.
Peu à peu les convictions d'Emna, ses certitudes de femme émancipée, vont se disloquer. Est-elle vraiment libre, plus heureuse que ses compatriotes qui s'échinent au labeur ? Une lente métamorphose s'opère en elle. Avoir l'audace de vivre ! Car il y a sur l'ile cet homme auquel la lie une passion nouvelle.