Contre tous les académismes, Fondane intente un procès à la poésie afin de libérer le poème de tout contrôle rationnel qui en déformerait la puissance d'un acte de participation à la vie.
L'intuition centrale du Faux Traité d'esthétique est que la poésie est une affirmation de réalité, celle de l'exis - tant singulier, pour la libérer de ses diverses aliéna - tions, bref qu'il existe une autonomie existentielle de l'acte poétique, indépendant de toutes les finalités morales, politiques et idéologiques ou esthétiques.
L'autre intuition de cet essai, corrélative de la pre - mière, est indiquée par son sous-titre, « Essai sur la crise de réalité ». Il s'agit de la portée « ontologique » de la véritable poésie, apte selon Fondane à saisir une réalité infinie, oubliée et refoulée par la conscience rationnelle. C'est pourquoi la poésie se définit essen - tiellement comme une affirmation restitutrice de pouvoirs perdus qui s'oppose aux puissances déréali - santes de la rationalité critique et réflexive qui nous éloigne de l'innocence première.
Rimbaud le voyou fut du vivant de Benjamin Fondane et demeure après sa mort son livre le plus lu.
Dans cet essai polémique, il dénonce les tentatives de récupération du poète des Illuminations tant par les surréalistes que par des écrivains catholiques. Pour lui, si Rimbaud atteint au mythe, c'est paradoxalement parce que son oeuvre paraît trancher de tout son éclat le noeud gordien qui lie la création artistique à la vie. Conjointement à sa lecture du philosophe Léon Chestov, Fondane clans son essai en sonde_ la portée éminemment existentielle.
La thèse du " voyou " met en tension le " tempérament métaphysique " de Rimbaud, sa soif d'absolu, sa " gourmandise ", et la valeur programmatique de la " Lettre du Voyant ", qui revient selon Fondane à tricher en s'emparant " de l'Inconnu par un coup de force ".
Un plaidoyer pour la liberté de l'esprit.
Initié par les communistes pour constituer un front intellectuel antifasciste, le Congrès international des écrivains, qui s'est tenu à Paris en juin 1935, est resté comme un événement majeur de l'histoire culturelle du XXe siècle.
En marge de ce congrès, Fondane s'inquiète au sujet de l'autonomie que doivent conserver l'art et la poésie face à une idéologie dominante. Une idéologie qui se présente comme révolutionnaire, qui est en fait contrerévolutionnaire, précise Janover.
En confrontant la position de Fondane à celles d'autres participants au Congrès (Breton, Crevel), Louis Janover montre combien elle était la plus pertinente au regard de la situation politique d'alors. Combien elle demeure éclairante dans le monde de la pensée unique qui a fait suite à l'effondrement des régimes communistes.