Eugenio Tramonti est un journaliste vaguement écrivain, amateur de chansons populaires, et plutôt irrésolu. Alors qu'il vient juste de décider de ne plus voyager, et de ne plus rien écrire, sauf des entretiens pour le compte de son journal (pas même des articles de fond, dit-il, «afin de ne plus se laisser tenter par le vieux démon littéraire»), son patron, Marc de Choisy-Legrand, lui demande d'aller en Chine pour y faire un grand reportage. Mais ce travail est un prétexte : Choisy-Legrand veut surtout qu'Eugenio retrouve sa fille Anne-Laure, partie vivre en Chine deux ans auparavant, et dont il est sans nouvelles depuis quelques mois. À contre-coeur Eugenio quitte son amie Mariana, ses résolutions bafouées, et part mener l'enquête. Il rencontrera de nombreux personnages, chinois ou occidentaux, qui lui seront autant de faux indices, et peu à peu s'approchera d'Anne-Laure, à l'issue d'une pérégrination labyrinthique entre Pékin et Xian. Cependant la vérité, si vérité il y a, est sans doute plus proche du point de départ que de l'arrivée.La recherche mouvementée d'Anne-Laure ménage un suspens constant ; mais le récit se double d'une interrogation sur le désir et la possibilité - ou l'impossibilité - d'écrire encore, de nos jours, des histoires.
C'est l'histoire de Thomas, que le chaos du monde effraie, et que les femmes qu'il a aimées ne sont jamais parvenues à apaiser. Un jour, assez semblable à tous les autres, il décide de partir. Il quitte alors Marie, avec qui il vit par intermittence. Mais cette fois, Thomas veut tenter de trouver un sens à ce chaos. Il lui faudra pour cela cinq pays traversés, le souvenir d'amis oubliés, la brise du soir dans ses cheveux, la présence réelle ou imaginaire d'anciennes maîtresses, un barman traducteur de poésie, quelques chansons, pas mal d'alcool, un train du nom de «Franz Kafka», un café à l'ombre de deux tours, des fantômes entr'aperçus, et des rêves de meurtres, de rats, de caïmans, d'hommes-loups, de lits défaits et de quelques figures tutélaires. Le récit polyphonique fait alterner à l'errance de Thomas avec ses propres monologues et des chapitres dans lesquels interviennent les femmes de son passé. La langue alerte, la critique acérée de notre époque donnent à ce portrait éclaté ses couleurs drôles et acides.
«Nous croyons nos vies constituées d'événements, quand ce sont les instants d'absence, les fragments oubliés, qui les forment et les nomment. Par exemple un ongle rongé, le souvenir d'un chien, la cendre d'un regard, une odeur, un cri. L'écriture, la poésie, plongent leurs racines dans ces failles, dans les instants proscrits, ceux que la mémoire réfute.» Quarante «vies brèves», illustres ou anonymes, de Jules César à Emily Dickinson, d'Agrippa d'Aubigné à Marina Tsvetaïeva, de Marie-Madeleine à Catulle, du Caravage à Guilhem de Cabestanh.
«Ils vont sonner et sans leur demander de décliner leur identité je vais ouvrir. Ce sera très bref, je les accueillerai en leur disant que je n'ai rien à dire, que je vais mourir bientôt, qu'il n'est rien dans ma vie que je regrette, aucune action, aucune parole, et là, chacun reconnaîtra les siens, et que tout se trouve dans mes livres. Quant à ce qui ne s'y trouve pas, c'est que ça n'aura pas existé, car je suis tout entier dans mes livres, uniquement là, et que la littérature est ainsi faite que le souvenir écrit remplace peu à peu le souvenir vécu. Je leur dirai que rien n'a d'importance sauf une chose : les branches d'acacias et de poiriers, les platanes du début de printemps lorsque la pluie menaçait, ces espaces exigus qui se métamorphosaient en immenses contrées dès que nous y grimpions, et les feuillages qui dansaient sous l'effet de la brise et du vent, je leur dirai que rien aujourd'hui ne me semble avoir plus d'importance que le bruit du vent dans les arbres, que la seule chose au monde que je regretterai à l'instant où j'en terminerai avec cette comédie de la vie ce sera cela, Denver et ses amies, la brise, les branches qui s'agitent, les jeux de lumière dans les feuilles, l'approche de la pluie, et le chuchotis infini, puissant et mystérieux, du vent dans les arbres.»