Oú l'on part à la recherche d'eugenio tramonti, le protagoniste du vol du pigeon voyageur et de la jubilation des hasards, disparu quelque part en mongolie.
Pour le retrouver il faudra traverser des états de réalité peu ordinaires et accepter de se laisser guider par quelques personnages emblématiques : un chinois qui présente la particularité de maîtriser ses rêves ; une chamane mongole qui s'absente parfois quelques jours pour voyager dans d'autres mondes dont elle ne se souvient pas ; une sibérienne qui fréquente assidûment les choses invisibles ; un jeune garçon, apprenti chaman, qui vient interférer dans les rêves du chinois ; une vieille femme aux identités mouvantes ; une divinité lacustre aux faux airs de renard ; des juments, un aigle et un loup ; sans compter quelques narrateurs, anonymes ou pas, disséminés entre oulan bator et pékin, le lac baïkal et les hauts sommets de l'ouest de la mongolie.
Les mondes se chevauchent, les histoires se répondent les unes aux autres, les fenêtres de l'imaginaire sont grandes ouvertes, les narrateurs se superposent, et le principe de réalité tremble sur ses bases, à la fois labile, humoristique et fuyant. et ce faisant c'est une autre réalité qui se trouve posée là - ou tout un réseau de réalités qui s'entrecroisent, car l'instabilité est féconde, et la littérature s'accommode bien de ce flou des frontières.
De Tarkovski aux Pussy Riot en passant par Boulgakov, Vassili Golovanov, ou encore Paul Virilio, ce livre, qui relate une descente du fleuve Ienisseï de Krasnoïarsk à son embouchure dans l'Arctique, dresse un état des lieux alarmant de la réalité sibérienne.
Les gigantesques incendies qui ravagèrent la région en 2012, le souvenir des camps du Goulag, la réalité des centaines de camps de travail qui y subsistent, les villages abandonnés le long du fleuve, les ethnies qui survivent à peine, la démographie du pays tout entier en chute livre, la pollution colossale due aux mines de nickel de la ville-usine de Norilsk, tout cela forme un arrière-plan préoccupant à ce récit qui se veut avant tout une apologie de la lenteur, de l'humain, et de la musique qui apaise les âmes, entre un déchirant chant d'amour dolgane et une berceuse evenk à l'intérieur d'un tipi, un concert champêtre dans la petite ville d'Ienisseïsk, et un autre au milieu du fleuve, destiné aux habitants d'un village qui se pressent en canot à moteur autour du bateau pour l'écouter en famille.
La deuxième partie du livre est une évocation de la Biélorussie d'aujourd"hui, pays méconnu et souvent caricaturé, tiraillé entre la nostalgie d'une identité que l'Histoire a rendue problématique et un désir de modernité contrarié aussi bien par un régime politique autoritaire que par la présence, toujours encombrante du "grand frère" russe.
au-delà de la frontière, un pas suffit et vous êtes projeté ailleurs.
juste un tout petit pas, à peine au-delà ; quelque chose qui se passe et qui ne passe pas ; quelque chose qui se pense, tout seul, à l'intérieur de soi - et le monde, soudain est à l'envers, le dedans dehors ou le dehors dedans. ce sont ces moments de crête, fugitifs et imprévisibles, implacables et quotidiens, pleins d'une protestation muette, parfois d'un bonheur réel ou injustifié, que livrent à notre sensibilité les personnages de ces nouvelles, moments, au fond, sans passé ni avenir et qui ne valent que pour eux-mêmes.
neuf nouvelles, autant de variations en forme d'éloge de la fuite.
Il a suffi de quatre Japonais dans un bar enfumé de Guangzhou pour activer chez le détective privé Zhu Wenguang, dit " Zuo Luo ", ou encore " Zorro ", la lointaine mécanique des souvenirs. De la belle Yatsunari Sesuko, qui a fini sa vie cloîtrée dans un temple bouddhiste, à la timide Zheng Leyun dont la famille fut massacrée pendant la Révolution culturelle, en passant par la délicieuse Yang Cuicui jadis maltraitée par son yakusa de mari, les destinées tragiques des trois femmes de sa vie se répondent, et le convoquent soudain. Ce sera d'abord dans le Chinatown new-yorkais, puis dans l'extrême nord du Japon, aidé par une medium, un chien errant et une enfant perdue, qu'il devra tenter de démêler l'écheveau des souvenirs, au rythme lancinant d'un road movie existentiel bercé de contes traditionnels et de musiques chinoises.
Il peut paraître surprenant de voir associés en un même ensemble critique henri thomas et antonio lobo antunes, franz kafka et eugenio montale, ou encore borges et antoine volodine.
Sauf que la pluralité des lectures et des plaisirs se joue souvent des familles littéraires. pour christian garcin, ces écrivains-là n'en restent pas moins, à des degrés divers, représentatifs d'une conception dense, exigeante, " verticale ", de la littérature. le fil invisible qui les relie, c'est du côté de borges qu'il faut le chercher. le labyrinthe, figure emblématique de l'univers borgesien, dessine dans l'espace textuel d'improbables rencontres, des bifurcations, des échos, des indices disséminés qui prennent sens bien après qu'on les a dépassés.
On y chemine de couloir en couloir, c'est-à-dire de monde en monde, c'est-à-dire d'univers romanesque en univers romanesque, et à arpenter ainsi cet espace de mots, on devient le lieu labyrinthique où se réunissent ces univers apparemment disparates. dans la chambre centrale trône toujours le minotaure argentin et aveugle qui de près ou de loin hante tous ces textes.