Il a suffi de quatre Japonais dans un bar enfumé de Guangzhou pour activer chez le détective privé Zhu Wenguang, dit " Zuo Luo ", ou encore " Zorro ", la lointaine mécanique des souvenirs. De la belle Yatsunari Sesuko, qui a fini sa vie cloîtrée dans un temple bouddhiste, à la timide Zheng Leyun dont la famille fut massacrée pendant la Révolution culturelle, en passant par la délicieuse Yang Cuicui jadis maltraitée par son yakusa de mari, les destinées tragiques des trois femmes de sa vie se répondent, et le convoquent soudain. Ce sera d'abord dans le Chinatown new-yorkais, puis dans l'extrême nord du Japon, aidé par une medium, un chien errant et une enfant perdue, qu'il devra tenter de démêler l'écheveau des souvenirs, au rythme lancinant d'un road movie existentiel bercé de contes traditionnels et de musiques chinoises.
Et puis il y avait autre chose : depuis des années que nous sillonnions le sud du pays au sein des compagnies de mercenaires, assiégeant des châteaux pour le compte de tel ou tel seigneur, rançonnant les puissants pour le compte de tel ou tel autre, dont nous venions d'ailleurs parfois d'assiéger le château, le temps était venu pour nous de ralentir le rythme des tueries. Car il y a un temps pour tout. Un temps pour les massacres, et un temps pour l'oubli. Un temps pour le noir qui enserre les tempes, et un temps pour le repos des corps et des esprits.
Ils sont deux, Bertrand Orsoni et Léon Boyard, deux mercenaires dans un Moyen Âge barbare et sanguinaire, qui vivent de meurtres, de rapines, de combats. Mais ils sont las de cette violence. Faisant halte auprès d'une abbaye dont ils convoitent les richesses, ils vont rencontrer un gamin de seize ans, prêt comme eux à tuer pour survivre.
Christian Garcin s'interroge sur la violence qui s'engendre elle-même. Il nous parle d'un monde que les sentiments valeureux ont déserté, un monde où la fraternité se mesure à l'aune de la force. Et de force, de puissance, il n'est question que de cela, au long de cette nouvelle magistrale, tant la beauté sombre de l'écriture happe, de la première à la dernière ligne.
À la démesure du texte, Philippe Favier répond avec une précision d'orfèvre, et la galerie de portraits qui s'extrait du noir de la page se joue des références à l'Histoire, se métamorphose avec délicatesse en d'étonnantes chimères.