Les États-Unis deviendraient-ils un pays « latino » ? Les indices démographiques ne laissent aucun doute à ce sujet : les ressortissants latino-américains et leurs descendants sont devenus la « minorité » la plus nombreuse, de Los Angeles à New York, et dans maintes zones rurales où, jusqu'à récemment, on n'entendait parler que l'anglais. La frontière entre le colosse du Nord et les pays de sa périphérie sud s'est brouillée. Si le nom « Amérique » s'applique à tous les pays de l'hémisphère, on peut dire que les États-Unis s'américanisent enfin...
On mesure encore à peine les implications de cette « latinisation » de la société étatsunienne. Elles sont considérables. Le pays devra poser autrement certains problèmes qui le hantent depuis longtemps : son rapport aux différences ethnoraciales, culturelles et linguistiques ainsi que sa manière de traiter les inégalités socio-économiques. Serait-ce l'occasion pour que l'introuvable « modèle d'intégration » étatsunien se clarifie enfin ? Les luttes s'annoncent rudes entre, d'une part, les partisans du métissage et d'une nouvelle citoyenneté sociale plus égalitaire et, d'autre part, les défenseurs du système hautement inégalitaire en place, même si ceux-ci savent, eux aussi, manier la rhétorique de la diversité « multiculturelle ».
Que signifie, aujourd'hui, être citoyen des États-Unis ? À l'heure où s'implantent des sphères publiques hispanophones, où l'anglais et l'espagnol se mêlent en spanglish, l'anglais demeure-t-il vraiment la seule langue de l'intégration ? Comment appartenir à une « diaspora » mexicaine, dominicaine ou salvadorienne tout en aspirant à l'intégration aux États-Unis ? Et qu'en est-il de Porto Rico, cette formation nationale caribéenne encastrée colonialement dans le système politique étatsunien, dont les frontières s'étendent jusqu'au Bronx ? Au-delà des enjeux proprement américains, ce livre pose la question de la citoyenneté à l'ère transnationale.
Aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France, le début du millénaire a vu se multiplier des discours épurés de toute référence à la catégorie de "race".
La tolérance et la diversité sont désormais les registres dominants que l'on emploie pour parler de questions relevant auparavant de cette dernière. Ainsi, aux États-Unis, l'élection de Barack Obama a donné un puissant élan à ce que Thomas Sugrue nomme le "grand récit de la réconciliation raciale", en dépit de la racialisation évidente des inégalités sociales. De part et d'autre de l'Atlantique, la notion de color-blindness gagne en influence.
Elle dissimule une forme de racisme culturel, ou de racisme différentialiste, qui se diffuse dans la sphère publique, et que revendiquent même parfois certains responsables politiques. Cette évolution intervient dans un contexte de remise en cause des modèles nationaux d'intégration et de déclarations catégoriques sur le prétendu échec du multiculturalisme : prises de position dont l'objet est de critiquer des politiques jugées trop différentialistes, tout en pointant du doigt certaines catégories de la population dont l'intégration s'avérerait problématique.
Ce volume se propose de mieux comprendre les logiques sociales de racialisation, et leur rapport au politique, dans une perspective comparative et en recourant à différentes disciplines. Il pratique une forme d'"histoire du présent", à la fois empirique et théorisée. Celle-ci est de salubrité publique à l'approche d'échéances électorales cruciales, en Europe comme en Amérique, alors que les problématiques identitaires conservatrices, sinon réactionnaires, effectuent un retour en force dans le débat politique et l'exercice du pouvoir.
Assistera-on à une « latinisation » des États-Unis au XXIe siècle ? Qui sont ces Latinos - Mexicains, Caribéens, Centro-américains et Sud-américains - dont la présence est toujours plus nombreuse sur le territoire états-unien ? En quoi les flux migratoires d'aujourd'hui sont-ils fondamentalement différents de ceux du passé ? De quels changements culturels, linguistiques, politiques les Latinos sont-ils porteurs ? Pourraient-ils aller jusqu'à provoquer une métamorphose des structures sociales et des logiques d'intégration en vigueur aux États-Unis ? Quelle importance attribuer à la thèse du politologue conservateur Samuel Huntington, selon laquelle les Latinos vont fatalement provoquer un conflit, « langue contre langue » et « culture contre culture », au sein de la nation états-unienne ? Quels arguments lui opposent les partisans d'une intégration réussie ? Que peut-on d'ailleurs entendre par ce terme dans le contexte états-unien et dans le nouveau contexte transnational au sein des Amériques ? Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, cet ouvrage tente de répondre à ces questions et à d'autres qui surgissent du débat public et des recherches universitaires. Il est le premier dans l'espace francophone à les approcher de façon résolument pluri et inter-disciplinaire : parmi les collaborateurs du volume on trouve des politologues, des sociologues, des spécialistes de langue, de littérature et de création culturelle. Parmi eux, trois chercheurs mexicains (l'un vivant en France, l'autre au Mexique, le troisième aux États-Unis), un Mexicain Américain né aux États-Unis, trois Françaises et un États-Unien vivant en France. Tous ont participé à Biarritz, en septembre-octobre 2003, au Forum « Les Latinos aux USA » organisé par l'IHEAL (Institut des Hautes Études de l'Amérique Latine/Sorbonne Nouvelle), avec le concours du Ministère des Affaires Étrangères, dans le cadre de La Cita, 12e festival des cinémas et des cultures d'Amérique latine.
Depuis quelques années, la question de la "diversité" est devenue centrale, aussi bien au niveau de la réflexion théorique qu'à celui des études de cas sur la citoyenneté. Elle se réfère généralement aux différences de genre, de sexualités, aux différences fondées sur l'appartenance "ethno-raciale", l'origine nationale, ou les pratiques culturelles et/ou religieuses. L'apparition de ce terme dans l'espace public indique que la prise en compte des différences constitue désormais un enjeu dans des contextes socio-politiques très variés. Le terme cache toutefois autant qu'il ne révèle. Il brouille en effet la distinction entre les formes de différence que l'on pourrait appeler "horizontales", et les différences «verticales» que sont les inégalités. Celles-ci s'en trouvent minimisées, réduites à des problèmes facilement résolus grâce à une «reconnaissance publique de la diversité» qui ne nécessiterait aucune remise en cause du mode de distribution des ressources et/ou du pouvoir. Chacun des onze textes de ce volume - quatre en anglais, sept en français - jette une lumière particulière, non seulement sur le ou les cas nationaux étudiés (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Australie, Argentine, Équateur et Bolivie, Algérie) mais aussi sur la question plus générale des rapports complexes entre citoyenneté et diversité, compte tenu des philosophies publiques qui orientent la mise en forme de la citoyenneté à l'époque contemporaine.
Le régime politique à Cuba issu de la Constitution de 1940 attire d'abord 1'attention par ses engagements non tenus. Au lieu de réaliser les progrès sociaux ambitieux annoncés dans le texte de la Constitution, les dirigeants élus ont sombré rapidement dans le clientélisme, la corruption et l'immobilisme. Mais au-delà de cette approche systémique indispensable, les auteurs de ce volume, ouvrent des perspectives nouvelles pour la connaissance de la période. Ils examinent les interactions complexes des acteurs sociaux et politiques, ils révèlent les dysfonctionnements du système de domination nord-américain. Ils explorent, enfin, les voies de la création intellectuelle et littéraire qui ont marqué cette période. (textes en français - textes en espagnol)