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Jean Pierre Faye
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Dans Le corps miroir, la pensée explore à reculons le temps du commencement de l'univers. Cette exploration interroge la possibilité narrative, quand celle-ci est radicalement privée du témoignage d'un sujet. Provoquant une explosion du récit, sorti des gonds du « sujet » narrateur et de l'« objet » narré, Jean-Pierre Faye explore l'hypothèse d'une pensée narrative qui ne calcule ni ne juge, mais se transforme. La pensée narrative pousse le langage en avant des concepts qui la fixent, elle provoque en elle-même une espèce d'ébranlement de l'intelligence, toujours moins figurative, toujours plus dynamique, dont la trace est gardée dans les mots comme le dépôt mobile d'un processus infini de transformation.
« Supprimez le corps de femme et d'homme, il n'y a plus de corps d'univers : il n'y a plus de lever du soleil, ni crépuscule ni aube ne donnent de mesure du temps et l'univers entier cesse de savoir son âge, qui maintenant atteint le chiffre - fictif?? - de treize milliards sept cent mille années. »
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"Oui, la République s'enseigne, ce n est pas une chose toute faite, c'est un mot composé : dedans il y a de la chose et aussi le peuple.
C'est la façon dont le peuple apprend à lire les choses, à mettre des mots sur des choses et à déchiffrer".
J. -P. Faye.
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Ce qui s'ouvre ici est à la fois un livre traversé d'une multitude de narrations destinées à re-dire ce qui n'est plus entendu ni lu, un gigantesque domaine : celui d'une « énergétique de l'Histoire ». Cette narration ne se fonde pas sur les convictions personnelles d'un penseur, mais sur ce que l'histoire même donne à voir des concepts.
Elle se moque des attendus de ce que l'on appelle « la philosophie», elle se rit de ses fins édifiantes et de ses téléologies confiantes. [.] Un fou, Narr, à peine dissimulé sous le Narr-ateur, un démon nocturne et rieur, a renversé les coutumes du magistère philosophique, pour enlever à Jean-Pierre Faye lui-même la certitude de savoir ce qu'il en est de la philosophie : « Nur Narr ! Nur Dichter ! Rien que bouffon ! Rien que poète ! » L'âge narratif de la philosophie est avant tout celui d'une écoute et d'un tact (celle de Nietzsche, celui de Freud), qui reconnaît la fiction bouffonne - et dangereuse - de l'autonomie du concept. Car ce que la philosophie veut ignorer de l'histoire narrative des concepts est précisément - la langue jouant au-delà de toute raison - ce qui l'implique dans le temps sans mesure de l'Histoire collective.
[Fragments de la préface de Michèle Cohen-Halimi] Éclats dans la philosophie est un livre qui s'est fait à deux. Michèle Cohen-Halimi propose à Jean-Pierre Faye une série de mots et de concepts, présents dans son oeuvre. Afin qu'il 'rebondisse' sur chacun pour en livrer, en un temps 'autre', sa réaction et analyse. Preuve, s'il en est, que mot et parole, récit et narration sont en constant devenir. Comme le précise Michèle Cohen Halimi : « Il s'agit de toucher une ligne mouvante, allant de rebond en rebond par un montage agissant, et selon des constellations de vocables en acte. - Ici l'on tente de cerner les éléments d'un nouvel infini de pensée. Et d'une philosophie de l'avenir.
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Poème est action de poésie et ce qui se marque sur horizon, ou sur le proche, le toucher, et le non visible touché au fond, le goût même dans la douleur, et son histoire, il est marqué de temps et instantané, il demande à ce qui écoute, il est cette histoire même.
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La fête de l'âne de Zarathustra ; blasphème bouffon
Jean-Pierre Faye
- L'harmattan
- Poetes Des Cinq Continents
- 5 Juin 2009
- 9782296095090
En février de l'an 1885 Nietzsche écrit à l'ami Peter Gast : " Cet hiver est porteur d'un `fruit nouveau', mais je n'ai pas d'éditeur.
L'énorme aberration de publier quelque chose comme mon Zarathustra s'est soldée par une aberration égale : comme de juste... Sans doute impubliable d'ailleurs : un blasphème écrit avec l'humeur d'un bouffon. " Des philosophes parmi les plus sérieux ont ressenti d'ailleurs " une certaine gêne " devant ce blasphème bouffon. Et même ils vont y rencontrer " des fautes de goût "... Pour eux, " cette quatrième partie de Zarathustra est une chute ".
J'y perçois au contraire l'accomplissement de ce qui a parcouru l'oeuvre entier de Nietzsche comme un frisson discontinu : le souhait d'écrire, lui aussi - tel Hölderlin ou Kleist -, le théâtre. Les fragments d'un Empédocle ou d'un dialogue entre Dionysos et Ariane viennent l'attester. Mais encore fallait-il que l'ampleur du verset nietzschéen dans Zarathustra puisse rejoindre la coupe brève, ironique, érotique du chant Parmi les Filles du désert, - chant qui fait lui-même partie de la Fête de l'Ane, de l'Eselsfest, dans la splendide Quatrième partie de Zarathustra.
Jean-Pierre Faye.
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Lioube pénètre les plaines indiennes, qui se rejoignent à l'infini. Passent les tracés du meurtre de masse. Au bord du Didjla, elle se nomme Nizâm. Surgit le chaos bosniaque. Embouteillage de massacres et de guerres, impudeur d'amour; façon féroce de changer de Mésopotamie.ŠParu pour la première fois en 1994, ce roman est aujourd'hui réédité avec, incluse, la version audio lue par Bérangère Bonvoisin.
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Ici le livre commence à l'envers du temps.
De Sara Gemma à Fleuve renversé - il remonte vers le commencement - jusqu'au jour d'une violence furieuse - en passant par éclat rançon. maison à deux genoux. la Sorte. désert fleuve respirés. le livre du vrai. guerre trouvée. le livre de Lioube. lou des forêts. Syeeda. verres. couleurs pliées -. poème, c'est comment ? comme on arrête la vibration, quand elle met à nu l'écriture. et comme on voit la langue, quand elle touche les choses mêmes.
Ou quand le son est tout au bord - les livres sont inclus les uns dans les autres : les yeux et les corps aussi - depuis l'année 2010 jusqu'à septembre 1939 -
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Dans une métropole américaine survient un immigré sans projet.
Ce qui est raconté a lieu ici, où il se trouve être sujet à souffrir de ne pas souffrir, tout en lisant de façon claire les signaux du monde. Et comme après l'épreuve d'une chirurgie cérébrale le monde est comme privé de ses angles narratifs, mais pourtant habité, et comme par un monologue coupé au-dessous du récit, où les corps désirés sont eux-mêmes perçus à travers une distraction lancinante et privée d'angle de vue.
Ce qui se tisse par un va et vient depuis les Grands Lacs et vers l'Extrême Ouest, est comme mis à découvert, là où le bruit d'usine se fait entendre, très violent sur une trame vide.
Le narrateur se découvre comme atteint au coeur d'une pulsation conduite sourdement au bord d'espace où il ne peut se reconnaitre pour Kathryn après Mona.
Parcourir l'espace de narration, c'est ici entrer dans une exploration de grand-route et du plus grand danger.
Écrit en 1958, Entre les rues est la première « fiction » de Jean-Pierre Faye, qui devait devenir aussi le premier fil - ou fil premier - d'une toile de récit qui prendra le nom d'Hexagramme en référence à l'Hexagramme mystique de Pascal. C'est littéralement « couché » dans le bateau qui le menait à Chicago, par une nuit profonde, que Jean-Pierre Faye a « vu » ce premier livre, comme s'il le peignait dans le ciel. Là s'est dessinée l'errance d'un narrateur lobotomisé en « cherche » d'identification.
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« Dire le poème, changer en voix l'écriture, c'est ce moment qui fait survenir le dict, ce qui en langue allemande est le poème lui-même, le dicten, la Dichtung.
- or Mallarmé a écrit pour le Coup de Dés un avant-Dire qui ne peut pas être compté parmi les pages du poème, puisque celles-ci sont au nombre de vingt-quatre, pareilles aux syllabes d'un (double) alexandrin : ''l'unique nombre qui ne peut pas être un autre.'' Ainsi le dire du poème est un Compte musical de la Voix, mais c'est l'écriture même qui le change en dict - le change voix : écriture est le secret car poème fut chanté avant d'être écrit et c'est dans cet état du dire qu'il est le dict, le dit même. » Livre audio comportant un DVD de lecture d'une sélection de poèmes de Jean-Pierre Faye lus par lui-même ainsi qu'un film sur ses rapports avec la poésie.
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Le temps de philosopher : classes de terminales d'Afrique francophone, programme sénégalais
Jean-Pierre Faye
- L'harmattan
- 13 Janvier 2023
- 9782343214511
« Le temps de philosopher » que voici est : 1. Une sélection rigoureuse de textes génériques, fondamentaux des idées et de la pensée de leurs auteurs respectifs. 2. Leur répartition selon la demande et la structuration du Programme en Axes majeurs, Contenus indicatifs, Objectifs opératoires 3. Une présentation didactique (de chaque texte) pour éclairer l'accès au propos de l'auteur.
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L'expérience narrative est ce qui enveloppe chaque moment, ce qui devient événement. Éxpérience et récit sont conjugués dans la même fonction histoire.
La question a été posée : est-ce que Ernst Junger, pendant la Guerre mondiale, a entendu le récit lui apprenant la Conférence de Wannsee qui programmait la Solution finale ? Est-ce que cela aurait modifié son « expérience du combat » ? A-t-il eu connaissance du Cours d'hiver 1933-34 où son ami Heidegger exigeait « l'extermination totale » de « l'Asiatique » ?
Peut-on approcher cette énigme qui introduit dans l'Histoire une furie des langages, où se raconte d'avance ce qui va survenir comme réel par l'effet de ce transformat ?
Dans cet essai, l'auteur analyse les transformations de l'expérience narrative qui s'explorent par fragments signés Nietzsche. Ou dans la forfaiture « totale » de Carl Schmitt. Ou dans le couplage indirect Bataille/Lacan. Ou encore dans la mutation renversée, sous le regard de Sade, qui remonte de la perdition rieuse de Juliette au « sourire perdu » d'Anne Prosper. Ainsi, au « transformat univers » s'ajoute le transformat langage. -
Le vrai Nietzsche, guerre à la guerre
Jean-Pierre Faye
- Hermann
- Savoir Lettres
- 7 Avril 1998
- 9782705663544
Nietzsche, le philosophe briseur d'idoles, reste à découvrir, car il se trouve comme enseveli sous des altérations, des mensonges et des falsifications. En fondant à Weimar, en 1897, le Nietzsche Archiv, sa soeur Elisabeth Forster, veuve de l'auteur de la Pétition antisémite de 1880, a entrepris une démarche publicitaire et politique qui devait être marquée par un point culminant : une visite officielle de Hitler, peu après sa prise du pouvoir en 1933.
Elisabeth fabrique, sous le titre La Volonté de puissance, une édition tronquée des inédits de son frère. Truquage redoutable envers un Nietzsche qui rejetait avec véhémence « la folie du Reich », la « canaillerie antisémite », le « balourd bavardage aryen » lui qui, très expressément, se déclarait « l'Anti-antisémite ».
Dans l'après-guerre, en 1961, le Nietzsche de Heidegger a semblé amorcer une fausse « réhabilitation » nietzschéenne. C'était oublier que ce livre n'est que la suite des Leçons prononcées durant dix années de Reich hitlérien, de 1936 à 1945, par l'auteur de la Profession de foi en Adolf Hitler de novembre 1933. Ces leçons déploient une longue stratégie du discours, par laquelle ce membre du Parti nazi défend avec âpreté ses positions face à un autre clan plus acharné qui, depuis 1934, l'accuse violemment de représenter le « nihilisme métaphysique ». Formule de dénonciation que Heidegger, curieusement, tout en la questionnant comme « aberrante », va reprendre à ses adversaires pour en faire le tournant de sa « seconde philosophie ». Mais en la retournant à contre-sens, et de façon provocatrice, précisément contre Nietzsche. Pour l'introduire de force dans cette « polémique aveugle ». Détournement plus subtil, certes, que celui d'Élisabeth. Mais qui renazifie indûment Nietzsche, sur une autre échelle du discours. Et qui va diffuser un brouillage durable de la pensée nietzschéenne, dans tout l'après-guerre.
Il faut donc retrouver le véritable Nietzsche et son attention virulente aux renversements des perspectives. Celui qui, tel Cézanne, recherche la perspective par la couleur par ses pensées multicolores. Le Nietzsche ironique, témoin passionné du voyage vers l'Europe Une, vers le bon Européen qui sait penser extra-européen. Nietzsche déclare la guerre à la paix armée de l'Europe, à la guerre des nations et des empires. À la guerre du criminel écarlate du jeune Hitler et de ses noirs valets. Au Nietzsche contre Wagner s'ajoute ainsi en finale un Nietzsche contre Hitler.
Ce Nietzsche-là s'attribuait la prémonition des deux prochains siècles. Il nous reste un siècle encore pour le penser, après l'avoir trouvé.
À l'horizon qui, d'Héraclite à Nietzsche, va laisser voir, renarrer et déchiffrer ce que nous faisons en dormant. Dans le cauchemar de l'Histoire. Mais déchiffrement qui compte les enjeux. En cela que Nietzsche nomme déjà le Grand Danger. La gravité des enjeux est ici à la mesure de l'ironie qui les capte.
C'est la tâche que s'est donnée Jean Pierre Faye, l'auteur de Langages totalitaires. Elle suit le fil conducteur que trace la rigueur de la philosophie à l'horizon de l'Histoire. -
Après ses Langages totalitaires d'il y a un quart de siècle, le voici alerté par les récents appels au meurtre et leur action néfaste sur des innocents devenant criminels. Il rappelle comment de simples mots, de saints mots même, peuvent engendrer le mal, le mal absolu.
Le langage meurtrier du vingtième siècle, puisant à plusieurs sources antérieures, a façonné des trames meurtrières, aussi dangereuses que des armes. Et sans lesquelles les armes n'auraient pas parlé. Tissées sur la grille lourde des nappes économiques, elles anticipent déjà sur le règne des média. Rien n 'arrête plus, semble-t-il, la machine abominable. Une fois ourdie sur la chaîne de l'Histoire et des dispositifs d'État. Qu'il s'agisse du roman criminel par quoi est produit le Reich nazi ou d 'autres figures du langage meurtrier. La montée des trames de meurtre, on peut encore l'observer sous des formes différentes. Il s'agit toujours de détruire la parole de l'autre, et d'en arracher l'inscription. La langue de meurtre peut se retourner sur elle-même. Pour devenir, au nom prétendu des victimes, la mise à mort du principe de paix. C'est pourtant lui, au futur, qui pourra les sauver. -
Yumi, dont la mémoire n'existe pas ou ne veut pas s'éveiller, parcourt l'espace du Japon. Durant l'année 1940, un Empereur, Kommei, a été fait dieu, alors qu'en Europe des millions d'hommes de femmes et d'enfants allaient être exterminés dans les camps de la mort. Interpellée par les déclamations du professeur Fauston, qui nie l'existence du génocide, Yumi entreprend un long et lent voyage de l'Orient à l'Occident, entre ces deux pôles de la douleur humaine : la bombe atomique et les camps de concentration. Yumi s'imprègne, durant son parcours, des narrations tragiques qui jalonnent le paysage humain : corps séduisants et cassures mortelles, nées à l'époque proche et lointaine où l'Histoire décidait d'offrir la mort comme unique projet.
Écrit en 1982, ce portrait d'une femme japonaise au visage « caméra », incapable de se voir mais reflétant le monde et ses habitants, est sans doute, parmi sa bibliographie dense et multiple, le seul roman où Jean-Pierre Faye parle de façon évidente de la Shoah qui, par ailleurs, traverse toute son écriture, parfois à peine visible et le plus souvent invisible, en creux.
Ce roman est réédité avec, en DVD, la lecture intégrale du texte par Aurore Clément.
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Cette lettre adressée à Benoît Peeters, auteur d'une biographie de Jacques Derrida, narre les étapes, au début des années 80, de la fondation d'un " Collège philosophique international ", projet imaginé et lancé par Jean-Pierre Faye. Il deviendra le " Collège international de philosophie ". Il était intéressant de retracer le " timing " exact de ces moments où s'inscrit, comme second venu, le nom de Derrida - puis comme premier, quand il décide de prendre en main la destinée du Collège au cours de l'année 1982.
Cette histoire pourrait n'être que celle d'une soif du pouvoir qui tourne le dos à une amitié. Mais on peut trouver que ce choix du pouvoir entre en résonance avec les étranges et dangereux choix terminologiques et narratifs de l'auteur de la Grammatologie. Jean-Pierre Faye rappelle que la " déconstruction ", l'Abbau de Heidegger, est issue d'un contexte où il s'agit de " regagner les expériences originaires de l'Être dans la métaphysique ". Ces expériences, au temps du Reich nazi, jaillissaient, pour Heidegger, de " la pensée de la race ".
Et Derrida a-t-il eu conscience de ce que sa déconstruction du " logocentrisme " empruntait à Ludwig Klages, l'un des plus célèbres fondateurs de la graphologie ? Le combat de ce dernier contre le logos fut chaudement approuvé par le " Docteur Goering ", neveu du fameux maréchal, et " führer de la psychothérapie ".
Jusqu'à quel point Derrida comprit-il ce qu'avait de terrible et d'impensé sa volonté de " clôturer " la " métaphysique occidentale " ? Savait-il que le tournant qui amène Heidegger à condamner la métaphysique comme un équivalent du " nihilisme ", venait de l'attaque portée contre lui par le recteur SS de Heidelberg, Ernst Krieck, lequel l'accusa, en l'an 34, d'être un " métaphysicien nihiliste ", c'est-à-dire proche en l'esprit des " littérateurs juifs "...
Est-il permis d'ignorer les terribles contextes où s'enracinent des langages, et leurs effets de mort à travers l'Histoire ? La philosophie, n'est-elle pas, avant toute chose, ce langage qui garde mémoire de ses propres langages, de leurs migrations, de leurs effets sur l'Histoire ?
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L'Etat total selon Carl Schmitt ; ou comment la narration engendre des monstres
Jean-Pierre Faye
- Germina
- Cercle De Philosophie
- 22 Juin 2013
- 9782917285442
Jean-Pierre Faye analyse la conférence méconnue de Carl Schmitt : " Économie saine dans un État fort ", tenue le 23 novembre 1932 devant les membres de " L'Union au Long Nom " (ou " Union pour la conservation des intérêts économiques communs en Rhénanie et Westphalie "). Schmitt y énonce la nécessité pour l'Allemagne d'un " État total ", équivalent allemand à ses yeux de " l'État totalitaire " de l'Italie fasciste.
Cette prise de parole aura un effet décisif : trente-cinq représentants de la finance et de l'industrie allemandes, auditeurs de la conférence, adresseront une pétition à Hindenburg, président du Reich. Ils l'inciteront à appeler le " chef du grand mouvement " au poste de chancelier du Reich. Ce " mouvement " est le déjà criminel NSDAP : le Parti national-socialiste ouvrier allemand, le parti " nazi ". Le 30 janvier 33, Hitler sera chancelier. En neuf semaines, la conférence de Schmitt aura eu pour effet d'abattre tous les obstacles à l'avènement du Troisième Reich.
La formule de " l'État total " a donc su transmettre aux temps et aux langages une charge à l'énergie insoupçonnée, porteuse des plus grands crimes. Ainsi est révélée la responsabilité centrale de Schmitt dans la mise en place du nazisme. Ce juriste, qui étrangement apparaît pour beaucoup aujourd'hui comme un penseur politique de référence, n'a d'abord avancé qu'une seule carte d'un jeu mortifère. Mais c'était une carte maîtresse, elle était dangereusement efficace pour faire passer le pire dans l'Histoire.
Il était intéressant de lire en parallèle les " Journaux " de Schmitt et de mesurer l'attention portée par le juriste aux événements, dans les semaines qui précèdent et suivent l'arrivée d'Hitler à la chancellerie du Reich. Ce qui frappe est cependant la banalité quotidienne qui transparaît dans ces notes. Si ce n'est, peut-être, qu'un mot va lui paraître acquérir un poids nouveau : " Jude ", " juif ". C'est son propre rôle, dans le nazisme, à lui Carl Schmitt, qu'il va découvrir par là.
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Une ville qui n'est pas nommée - mais dont le nom est sur toutes les lèvres - une ville coupée en deux : de là est partie Vanna, qui maintenant sommeille à l'arrière d'une voiture conduite par Alé, l'ami retrouvé à qui elle parle silencieusement en s'endormant. Retournée dans la ville, Vanna va et vient entre les deux moitiés : - le côté où elle rencontre Ewald et d'où il ne peut sortir pour la suivre, d'où elle ne pourrait plus revenir si elle se fixait auprès de lui vraiment, - et le côté où elle fait connaissance avec Carl Otto, où un circuit autour d'elle s'établit, par quoi ses rencontres en tous sens semblent communiquer (et les deux villes partagées, Berlin, Jérusalem, elles-mêmes se relier). Est-ce parce que ce réseau existe autrement qu'en paroles ? Est-ce par Vanna que maintenant Alé, revenu dans la ville, est soudain mis en danger ? Le carré du récit s'est refermé. Une moitié comme surexposée et toute en reflets ; l'autre enfoncée en soi et engloutie : la ville traversée par une frontière admet une « écluse » en son milieu. Avant-dernier lien de L'Hexagramme et obsédant « récit » d'une femme entre deux horizons, L'Écluse a reçu le Prix Renaudot en 1964.
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« C'est aux extrémités des corps que la grâce se révèle. » Telle pourrait être la maxime de La Bataille de Léda, le treizième roman de Jean-Pierre Faye (Prix Renaudot en 1964). Deux amants conçoivent un film véritable poésie de l'acte érotique, conçu comme une bataille. Le sujet en est le corps féminin, lieu des désirs, des fantasmes... et des meurtrissures. À la croisée de l'héritage surréaliste et de celui du collectif « Change », ce roman évoque, comme en songe, les errances des relations virtuelles, la difficulté du lien d'amour, et traite de la souffrance terrible de l'excision.
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Le point de départ est une réflexion sur le classement des épîtres de Paul. La tradition les a rangées par ordre de taille décroissant. En reconstituant leur ordre chronologique, on restitue l'évolution du jugement de Paul sur les Juifs et sur leur place dans le grand corps de la chrétienté. Dans cette mise en ordre, l'épître aux Thessaloniciens, qui contient la phrase : « Ce sont les Juifs qui ont tué le Seigneur Jésus », apparaît au tout début de la carrière apologétique de Paul.
Quant aux paroles de la lettre aux Galates : « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre. », elles montrent un aboutissement.
Entre temps, il y aura eu le remarquable et énigmatique verset 2.12 de l'épitre aux Colossiens, parlant du corps de Dieu : « la Tête, dont le Corps tout entier reçoit nourriture et cohésion, par les jointures et ligaments », corps que la Chrétienté doit considérer « pour réaliser sa croissance en Dieu ». Jean-Pierre Faye étudie minutieusement ces quelques mots dans le texte latin et le texte grec, concluant que l'idée qu'ils expriment est remarquable et méconnue : Grecs et Juifs réunis, articulés les uns aux autres, dans le Corps de Dieu, augmentent la puissance de Dieu. L'idée est tellement nouvelle et audacieuse, qu'aucune traduction n'a jamais voulu la reproduire textuellement.
Jean-Pierre Faye, né en 1925, est poète et philosophe. Il a enseigné la philosophie à Reims, à Chicago et à Paris. Il a été membre du comité de la revue Tel Quel, qu'il a quitté pour créer la revue Change. En 1968 il fonde l'Union des écrivains, avec notamment Nathalie Sarraute et Michel Butor. Avec Félix Guattari, il est à l'origine du Collège international de philosophie. Il est l'auteur de fictions, d'essais philosophiques, de livres de poésie et de traduction (Hölderlin, Spicer, Seifert, Rothenberg) Il a obtenu le prix Renaudot en 1964 pour L'Écluse.
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Sport ; quelles sont tes victoires ? urbanisme, culture, éducation : enjeux sociétaux pour les générations futures
Jean-Pierre Faye
- Amphora
- 7 Février 2011
- 9782851807984
"Si l'on s'en tient aux critères économiques, on peut considérer aujourd'hui que le sport a gagné. Mais ne doit-il pas aller chercher sa plus belle victoire dans la division supérieure, là où les critères sont essentiellement « sociétaux » ? Le sport peut devenir un enjeu essentiel pour les générations futures, un vecteur d'éducation, une source de partage. Quelle place lui donner dans notre société ? Comment l'intégrer totalement à la ville ? Comment exploiter au mieux son potentiel fédérateur ? Jean-Pierre Faye nous apporte sa contribution éclairée et propose des pistes de réflexions à ces questions essentielles autour de trois propositions : que les lieux de pratiques sportives soient conçus pour réunir et favoriser les échanges, que les valeurs sportives soient reconnues comme des supports éducatifs et professionnels, que le sport permette au citoyen d'ambitionner un « art de vie » en adéquation avec ses sensibilités. Un ouvrage illustré, pragmatique et optimiste qui nous donne des clés pour appréhender notre avenir et celui de nos enfants."
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« Ce livre est le triptyque dont la toile centrale est dessin de couleurs pliées et d'énergies renversées où se déplace le remuement des formes, des bêtes, des couleurs et des nuits. » - Jean-Pierre Faye.
Couleurs pliées est le deuxième recueil de poèmes de Jean-Pierre Faye, publié en 1965 par Gallimard et jamais réédité depuis. Après Fleuve renversé (publié chez GLM en 1959), il constitue le terreau et la source du « dit » poétique de l'auteur qui est d'une certaine façon le langage premier de toute son oeuvre.
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Dictionnaire politique portatif en cinq mots
Jean-Pierre Faye
- Gallimard
- Idees
- 8 Décembre 1982
- 9782070354740