Que reste-t-il à écrire sur Yves Saint Laurent ? Tout, ou presque. Trop encombrante, la vérité de l'homme est encore tapie dans la part sombre du mythe. Qui était Yves, le petit Oranais aux yeux perçants ? Un enfant délaissé, né avec une charge impossible à porter dans cette Algérie française structurée par la prédation. Comment dans un tel contexte, ce jeune pied-noir de la classe moyenne a-t-il pu élaborer le rêve de devenir un couturier célèbre ? À Oran, Yves subit des humiliations, desquelles il sort avec un désir vital de vengeance. Richesse et renommée le consolent par intermittence, mais toujours la folie le rattrape. Le prince de Babylone raconte l'histoire d'un être structuré par la haine-de-soi et le mépris de l'autre. Un récit tissé de gloire et de désolation, brodé de secrets. Ci-gît le mensonge ; au-delà d'Yves Saint Laurent, Marianne Vic nous dit toute l'importance d'écrire pour défaire l'hégémonie des mémoires officielles.
« Questionnaire de Proust : quel est le comble du malheur ?
- La solitude, répondait Yves Saint Laurent.
La solitude, c'est la souffrance partagée des enfants tristes, nés par accident. Nous passions notre temps à tenter d'intéresser nos mères, en vain. Seul mon oncle y est parvenu en devenant célèbre ; il habilla les femmes pour habiller sa mère. » Chaque famille a ses drames et ses secrets. Dans celle d'Yves Saint Laurent, ce sont les femmes qui subissent et qui savent sans dire. Des mensonges devenus légendes, pour tenter de déguiser la honte sans jamais l'effacer.
C'est par la littérature que la narratrice conjurera le destin. Il faut revenir là où tout a commencé et traverser l'enfance, pour mettre à nu ces femmes que son oncle voulait tant rhabiller.
Depuis le sud misérable de l'Espagne du xixe siècle jusqu'au Paris des arts et de la couture, en passant par l'Algérie française, la narratrice raconte comment l'on s'extrait des mécaniques du drame. Un roman poignant des origines.
Marianne Vic tente de reconstituer la vie de son père, qu'elle a peu et mal connu. A défaut d'avoir guidé sa fille dans l'existence, peut-être cet homme qui semble s'être toujours trouvé du mauvais côté de l'histoire a-t-il quelque chose à nous apprendre du vingtième siècle, de ses excès et de ses drames.
Que faire d'un père qui n'a fait que des mauvais choix ? Comment être la fille d'un de ces anti-héros que la mémoire collective rejette ou feint d'ignorer ?
Gabriel a traversé le XXe siècle en restant obstinément de son côté obscur. Né à Oran, dans une riche famille franco-allemande exilée en Algérie, vénérant un oncle officier de la Wehrmacht, hanté par un demi-frère qui avait rejoint la division Charlemagne, il assouvira finalement sa propre soif d'action et d'aventure en s'engageant dans l'OAS.
Mais tout cela, la narratrice ne le savait pas. Elle ne l'a découvert qu'au terme d'une enquête. Et l'enquête s'est transformée en fresque, brassant plusieurs décennies d'histoire et s'interrogeant inlassablement sur les efforts que font les hommes pour y trouver leur place.
Dans ce troisième ouvrage, Marianne Vic transgresse les légendes de l'histoire familiale autant que celles de la France. Ce roman est aussi un grand récit sur la liberté d'être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.
Ce premier roman porte un regard sans concessions sur ses contemporains qui ne savent plus ni aimer, ni mourir, dont s'échappent cependant quelques instants volés de grâce.
Au-delà des blessures physiques, l'auteur s'attarde essentiellement sur les mutilations mentales, celles qui empêchent de vivre et dont on peut se défaire en fouillant les passés, celui de sa propre enfance et celui de ses ancêtres. Purger la mémoire familiale afin d'échapper à la fatalité des répétitions.
D'une écriture sculptée, Marianne Vic nous livre le récit d'un combat qui est aussi une prière aux vivants et à la littérature.