La confiance à l'égard de la justice, sa légitimité et son autorité sont au fondement de la démocratie. Mais quel regard les citoyens et citoyennes portent-ils sur cette institution, son fonctionnement et ses décisions ? À quelle justice aspirent-ils ? Quels facteurs et attentes façonnent leurs propres jugements ? Dans quelle mesure s'approprient-ils ce moyen de défendre leurs droits ? Les citoyens sont attachés à la justice en tant que valeur, repère collectif et instance de régulation des conflits. Leurs critiques relatives à l'institution, aux organisations et à certaines pratiques professionnelles sont la contrepartie d'idéaux de justice exigeants, source de désillusions. De nombreux enquêtés discutent l'autorité de la justice en matière pénale et sa capacité à faire respecter les lois. Alors que dans leurs propos généraux, une majorité d'entre eux regrettent sa clémence excessive, ils sont plus nuancés, en situation de juger face à des cas concrets. Leurs attentes expliquent la double finalité attribuée aux peines : sanctionner et éduquer.
Pourquoi la justice pénale impose-t-elle des soins aux condamnés ? Comment ces mesures ont-elles évolué au cours des dernières décennies ? Sont-elles aujourd'hui plus fréquentes ? Ont-elles changé dans leur nature voire dans leurs finalités ? Sur quels critères s'appuient les magistrats pour en prononcer ? Comment sont-elles mises en place, contrôlées et menées à bien ?
Pour répondre à ces questions, une équipe de sociologues et de juristes a mené une enquête empirique mêlant méthodes qualitatives et quantitatives. Cette recherche se fonde sur l'analyse d'un échantillon représentatif de 2 700 dossiers judiciaires étudiés dans six juridictions. Celui-ci comprend des affaires criminelles jugées par des cours d'assises et certains délits traités par des tribunaux correctionnels ou par le biais d'alternatives aux poursuites (violences conjugales, délits sexuels, infractions à la législation sur les stupéfiants). Afin de comprendre les ressorts et les difficultés de l'articulation entre peine et soin, une centaine d'entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès de professionnels au contact de prévenus et de condamnés : magistrats, personnels de l'administration pénitentiaire et professionnels de santé.