Jacques se nourrit de la lecture d.un seul roman, un texte de Livingston, un récit d.aventures en Afrique. Lorsqu.il entend prononcer le mot Afrique dans ce qui se présente comme une opportunité professionnelle, il fonce, submergé par le désir de vivre dans sa chair, le texte de Livingston.
Tout le texte de Laure Teulade, est un essai pour faire converger la réalité du personnage et une aventure littéraire, romanesque, écrite, avec comme image subliminale, en toile de fond de toute une vie, une Afrique fascinante, obsédante.
Elle sent, soudain, que, dans cette ombre, des âmes passent et repassent, des âmes méchantes qui raillent beaucoup cette étreinte inutile, ces baisers donnés au néant avec tant d'ardeur.
Puis elle voit, oui, elle voit, là-bas, là-bas, devant elle, derrière elle, partout, de vastes traînées de pourpre qui jaillissent du fond de l'infini, fumantes comme un sang frais, horribles ; - une pluie de gouttes rouges s'éparpille, cache la douce clarté des astres. Oh ! il fait nuit, si nuit !. Elle entend, oui, elle entend des voix s'élever de cette pourpre de crime que sa main impériale a répandue, en se jouant, sur le pavé de Rome, sur la mémoire des hommes !.
Ces voix !. Elle les connaît tant pour les avoir aimées, pour les avoir haïes !. Les voix de Vinucius, de Silanus, de Myrrhon, de Montanus, de Polybe, d'autres, d'autres !. Elles éclatent de rire à ses oreilles, d'un rire féroce qui lui retourne les entrailles ; elles lui chantent : " Io ! Triomphe ! " et s'unissent pour lui crier : " Embrasse la nuit, Messaline ! embrasse la nuit !. ".
- On s'occupe donc de nous de l'autre côté de la Méditerranée ?
- C'est-à-dire qu'on ne s'occupe que de vous ; c'est un des privilèges de l'Afrique, vous savez, que de bruire dans le monde.
"Quid novi fert Africa ? " disaient les Romains du temps de Scipion. Eh bien ! nous sommes des Romains, à l'endroit de l'Afrique du moins.
- Ne trouvez-vous pas au reste qu'elle en vaut bien la peine, qu'on s'occupe d'elle ?
- L'Afrique, mais c'est la terre promise - C'est la terre donnée, donnée par la Providence à la France. Faites-la connaître à tous ces méchants avocats qui nous marchandent 100 000 francs quand nous leur donnons un monde, dites-leur qu'il n'y a qu'à la gratter deux fois par an pour qu'elle donne deux moissons ; ils peuvent m'en croire, moi qui suis un laboureur, un paysan, un planteur de pommes de terre.
Avez-vous vu la Mitidjah, avez-vous vu Blidah ?
- Je n'ai encore rien vu.
- Eh bien ! voyez tout cela, et dites-leur là-bas, à tous ces imbéciles qui parlent de l'Algérie sans la connaître, dites-leur que j'ai de la terre pour trois millions d'hommes, seulement il n'y a pas d'autres systèmes que le mien, des colons militaires, un gouvernement militaire, une justice militaire... "
Enfermé en prison de 1777 à 1781 (42 mois), par son père en raison de sa vie dissolue, Mirabeau écrit à sa maîtresse Sophie de Ruffey, divers ouvrages libertins dont l'Erotika Biblion, édité en 1783.
Cet ouvrage est composé de dix chapitres aux titres fort savants : l'Anagogie, l'Anélytroïde, l'Ischa... Mirabeau démontre avec érudition que les moeurs antiques et bibliques sont plus dépravées que ceux de son époque. Le libertinage du XVIIIe siècle lui paraît bien fade à côté des inventions raffinées de la science antique du plaisir.
Pour Apollinaire qui introduit le texte, Erotika Biblion est " un monument d'impiété très singulier ".
Il accompagne ce récit, de notes, de citations de Mirabeau telles que celle-ci qui résume bien l'esprit du texte : " Il t'amusera : ce sont des sujets bien plaisants, traités avec un sérieux non moins grotesque, mais très décent. Croirais-tu que l'on pourrait faire dans la Bible et l'antiquité des recherches sur l'onanisme, la tribaderie, etc., enfin sur les matières les plus scabreuses qu'aient traités les casuistes et rendre tout cela lisible, même au collet le plus monté et parsemé d'idées assez philosophiques ? ".
" Il faut que je change de costume.
Voulez-vous me tenir compagnie ?
- Volontiers ", dit le jeune homme.
Cela fut proposé et accepté avec une simplicité indescriptible. Seulement, ils échangèrent un regard en dessous : " nous allons voir " disaient les yeux de la princesse ; " vous verrez " répondaient ceux de Mérodack, et ils sortirent du salon en adversaires qui se sont défiés. Sans qu'un mot eût été prononcé, ils arrivèrent au salon de toilette, où des pièces de costumes s'étalaient sur les meubles.
Elle congédia ses caméristes d'un geste de princesse à valetaille, non de maîtresse de maison à domestique.
" Vous allez me tourner le dos pour faire face aux exigences de ma pudeur ", dit-elle en poussant un fauteuil où le jeune homme s'assit gravement. " Ne vous retournez pas, fit-elle, je me dévêts. " Devant Mérodack, une glace montait du sol au plafond ; il y vit la princesse dévêtue qui l'observait, il baissa les yeux, en souriant de défi à ce sourire déjà ironique de la tentatrice.
Le duel commença, entre l'impudeur désoeuvrée et l'impassibilité hermétique. "