Secs, sans cavalier, les mots Et leur galop infatigable Quand Depuis le fond de l'étang, les étoiles Régissent une vie.
« Ariel, génie de l'air de La Tempête, de Shakespeare, est aussi le nom du cheval blanc que montait à l'aube dans le Devon, en Angleterre, l'un des plus extraordinaires poètes du XXe siècle, Sylvia Plath, aux derniers mois de sa courte vie.
Ariel, borne décisive marquant un "avant" et un "après", parole intense jusqu'à la rage parfois, question de vie ou de mort.
Ariel, jusqu'au bout, l'extrémité du dernier souffle. » Valérie Rouzeau.
En 1793, quelques Allemands décident de soutenir avec enthousiasme la Révolution française et tentent de fonder sur leur sol une République. Mais de l'idéal à la pratique, les embûches se multiplient et l'expérience avorte. À la fin des années 1920, Stefan Zweig met en scène cet échec à travers une figure méconnue de l'histoire allemande, Adam Lux. Celui-ci affronte Marat et Robespierre, puis, écoeuré par les excès de la Révolution, finit par se rallier à Charlotte Corday.À une époque où la révolution russe suscite de multiples interrogations, Zweig, auteur de biographies sur Marie-Antoinette et Fouché, propose ici une présentation singulière et originale de la Révolution commencée en 1789. Du rêve d'union franco-allemand à l'espoir d'un monde libéré des différentes oppressions en passant par les excès de la «Terreur», le célèbre écrivain suggère une réflexion sur les espoirs et désillusions que suscite une révolution.
Depuis une dizaine d'années, un nombre considérable de Blancs pensent être les nouvelles victimes d'un « racisme anti-blanc », d'une « discrimination inversée », d'un « remplacement » et pour les plus extrémistes, d'un « génocide blanc ».Ces discours, propres aux sympathisants d'un nationalisme ethno-racial, ont motivé l'élection de Donald Trump à la présidence des EU et menacent d'entériner sa réélection en novembre 2020.Dans de très nombreux ouvrages, cette crispation communautariste blanche est souvent présentée comme une réaction politique à la mondialisation néolibérale et aux inégalités nouvelles qui en résultent, à l'immigration dite « massive » et surtout au développement d'une société multiculturelle en passe d'assurer un bouleversement démographique et culturel.Pourtant, ces discours sur le « déclin » même relatif des Blancs américains ne résiste pas à l'étude des données disponibles sur l'inégalité réelle et les positions de pouvoir entre Noirs, Hispaniques et Blancs.En réfléchissant à la construction historique d'une identité nationale ethno-raciale aux EU, Sylvie Laurent démonte le nouveau mythe du Blanc victime qui a déjà traversé l'Atlantique (Brexit, par exemple) et qui invisibilise des inégalités raciales pourtant toujours criantes.Elle dévoile avec brio que ce discours est en réalité l'ultime tour de passe-passe de la domination blanche aux États-Unis, qui s'approprie la posture de l'opprimé pour préserver un ordre social chahute´ par l'élection de Barack Obama et l'activisme des minorisés.
Longtemps les historiens ne se sont guère préoccupés de l'animal, abandonnant celui-ci aux recueils d'anecdotes et à la «petite histoire». Leur attitude a toutefois changé au cours des dernières décennies, et l'animal est enfin devenu un objet d'étude à part entière. Dans cette mutation, les médiévistes ont joué un rôle pionnier, mais pour ce faire ils ont dû affronter différents obstacles. S'il est patent que le Moyen Âge est prolixe sur les animaux - sans doute plus que toute autre époque, du moins en Europe - la zoologie médiévale n'est pas la zoologie moderne: les pièges de l'anachronisme guettent le chercheur à chaque coin de document.
Après avoir exposé ces obstacles et ces pièges, l'ouvrage de Michel Pastoureau présente les principaux terrains documentaires sur lesquels peut s'aventurer l'historien, parmi lesquels: les bestiaires et le Roman de Renart pour ce qui est des textes; les miniatures pour ce qui est des images. Ce faisant, il s'interroge sur plusieurs questions essentielles. Que faire des savoirs de notre temps quand on est historien d'un passé lointain? Comment éviter de conduire des enquêtes téléologiques? En quoi la zoologie d'aujourd'hui aide-t-elle à étudier la zoologie médiévale? Nos connaissances actuelles ne sont pas des vérités, seulement des étapes dans l'histoire des savoirs.
Selon les sociétés et les époques, la nature des inégalités est d'une diversité extraordinaire. Pour comprendre ce phénomène, l'Histoire et les cultures humaines jouent un rôle central: ces inégalités se rattachent à des trajectoires socio-économiques, politiques, culturelles, civilisationnelles ou religieuses bien distinctes.
En somme, c'est la culture au sens large (y compris, et peut-être avant tout, les mobilisations politiques) qui permet de rendre compte de la diversité, du niveau et de la structure des inégalités sociales que nous observons. À l'inverse, le poids des facteurs dits « naturels » - les talents individuels, les dotations en ressources naturelles ou autres facteurs de ce type - est relativement limité.
Dans cette conférence inédite prononcée au musée du Quai Branly, Thomas Piketty présente une synthèse vivante et engagée de ses travaux. Abordant la question dans son sens le plus large, traitant de thèmes aussi variés que l'éducation, l'héritage, les impôts, les inégalités de genre ou la crise climatique, il apportera aux lecteurs des éléments de réflexion utiles dans ce débat d'une actualité brûlante: y a-t-il des inégalités naturelles ?
«C'est avec ces gravats de la vieille Afrique du Sud qu'il faudra construire le pays nouveau. Les sentiments de culpabilité, de frustration et d'enfermement qui trouvent ici une expression terrible et grandiose n'annoncent pas fatalement la catastrophe.» Pierre Lepape, Le Monde diplomatique.
Marlène Van Niekerk retrace la vie d'une famille blanche pauvre, les Benade, au cours des deux mois qui ont précédé les premières élections libres en Afrique du Sud, en novembre 1994. La famille Benade vit dans des conditions misérables depuis plusieurs générations. Chez les Benade, l'inceste est érigé au rang de tradition. Humiliés et désespérés, ils réussissent cependant à obtenir un logement dans le nouveau quartier blanc, Triomf, érigé sur les ruines de Sophiatown, ancienne township de Johannesburg rasé par le pouvoir de l'apartheid. C'est l'histoire d'un double traumatisme, celui de la pauvreté et celui d'un régime qui s'effondre en emportant dans son naufrage les quelques rares points de repère qui permettaient encore à cette famille du sous-prolétariat afrikaner de survivre. La famille se referme alors sur sa honte et ses secrets dans son carré encombré de gravats et d'ordures. La langue des Benade se réduit à un état brut, sa syntaxe est des plus frustres. Le plongeon final aura lieu le 24 novembre 1994, jour des élections.
«Secrets de famille», rugit Lambert, fouillant dans les paperasses d'un tiroir autrefois fermé à clef. Tout est dans la famille. Bienvenue à Triomf, misérable banlieue blanche de Johannesburg érigée sur les ruines de Sophiatown, le ghetto noir rasé par les bulldozers de l'apartheid et dorénavant résidence de Mol, Pop, Treppi et Lambert - sans oublier chiens, carcasses de voiture et frigos, éléments intrinsèques de cette famille Benade complètement paumée. Et pourtant le rire n'est jamais loin des larmes, alors que scènes loufoques et paroles profondes se croisent sans cesse sous les yeux ébahis du lecteur captivé tant par l'histoire (les histoires) que par l'écriture de Marlene van Niekerk, faite de cynisme et de tendresse, de cruauté et de compassion.
Triomf, roman dont l'intrigue se déroule à la veille des premières élections démocratiques en Afrique du Sud, a déjà paru dans tous les pays anglo-saxons et a reçu la plus prestigieuse récompense littéraire du continent africain, le prix Noma, en 1995.
Alors que la population française tend à vivre plus longtemps, Faire avec l'âge est un livre nécessaire pour saisir les conditions dans lesquelles le vieillissement s'opère. Philippe Bataille s'est attaché à décrypter la littérature récente sur le sujet du grand âge et à aller à la rencontre de nombreux acteurs : médecins, gériatres, auxiliaires de vie, infirmières, directeurs ou directrices d'EHPAD et, surtout, personnes âgées elles-mêmes et leur famille.
Choisissant de laisser la parole à ceux dont le vieillissement est le quotidien, Philippe Bataille se fait le rapporteur discret de ce que veut dire vieillir et mourir en France aujourd'hui. S'arrêtant longuement sur la période Covid, ce livre pointe la désorganisation totale pendant la crise, puis ses conséquences : la raréfaction des médecins traitants et le phénomène de désertification du milieu médical, la fin des déplacements à domicile, le recours incessant aux urgences. Mettant en parallèle le mal-être des âgés et celui de leurs aidants, il montre les rigidités d'un système de vieillesse déshumanisé, toujours au détriment des patients, menant à des situations parfois tragiques.
L'expression « construction de la paix » évoque un scénario trop bien connu: la violence éclate, les pays étrangers s'en émeuvent, les Casques bleus se précipitent, les donateurs versent des millions de dollars, les belligérants signent des accords, la presse fait ses gros titres sur la paix enfin retrouvée et, quelques mois plus tard, la situation revient à son point de départ, si ce n'est pire. Pourtant, des stratégies ont permis de construire une paix durable dans les zones de conflit, en particulier pour les citoyens ordinaires. Quelles sont-elles? Et pourquoi d'autres citoyens ordinaires, à des milliers de kilomètres de là, devraient-ils eux aussi s'en inspirer?
Ce livre montre comment l'identité arabe moderne s'est construite au long des XIXe et XXe siècles en imbriquant systématiquement ses dimensions politiques (l'arabisme) et culturelles (l'arabité). Au fil de dix chapitres synthétiques portant sur différents domaines de la culture populaire (musique, télévision et sport) ou légitime (littérature et histoire), l'ouvrage met en lumière la variation de ces expressions dans le temps et dans l'espace, tout en soulignant les enjeux politiques nichés dans certaines productions locales ou questions plus larges, comme celle, primordiale, de la langue, qui est à la fois celle des Arabes, mais aussi celle du Coran. En abordant ainsi différentes facettes de la culture arabe, l'auteur invite surtout à une réflexion plus générale sur les chemins de traverse qu'emprunte un sentiment identitaire toujours étroitement mêlé aux aléas politiques dans cette partie du monde.
Y a-t-il un problème entre les femmes et les sciences, voir entre les femmes et le fait de savoir en général? Non, bien sûr que non. Et pourtant, la rumeur continue à circuler en boucles paresseuses, la misogynie des doctes n'a pas désarmé, l'égalité est loin d'être là et des énoncés assurant que les vraies femmes sont illettrées continuent d'être publiés.
Michèle Le Doeuff entraîne lectrices et lecteurs dans des fouilles archéologiques visant à retrouver l'origine enfouie de réflexes toujours contemporains, dont l'ampleur reste à mesurer: existe-t-il un lien entre la méconnaissance des rapports sociaux entre les sexes, les mécanismes subtils ou grossiers mis en oeuvre par les institutions intellectuelles pour maintenir en leur sein autant de domination masculine qu'elles peuvent et le mode de constitution des savoirs que l'école diffuse ou ne diffuse pas?
Un parcours savant et caustique en compagnie de Platon, Christine de Pisan, Thomas More, Gabrielle Suchon, Bacon, John Stuart Mill, Harriet Taylor... Ou comment, sortant de sentiers battus, il paraît nécessaire de réinventer certaines questions: pourquoi la culture est-elle supposée diminuer le sex appeal? Pourquoi y a-t-il des choses que bien des hommes ne veulent pas comprendre? Et comment l'intuition est-elle venue aux femmes?
En 524, Boèce est incarcéré à Pavie sous l'inculpation de conspiration et de magie. Rude épreuve pour ce scientifique et philosophe qui s'est donné pour tâche de transmettre à l'Occident chrétien les trésors de la pensée grecque. Accablé par ce revers de fortune, il rédige, en prison, son ¦uvre la plus connue, dans laquelle il se met en scène, dialoguant avec le personnage allégorique de "Philosophie", qui le réconforte en lui démontrant combien sont vaines les valeurs mondaines, et enrichissante l'aspiration à l'élévation de l'âme par la sagesse. Cette Consolation de la Philosophie a été l'¦uvre à succès du Moyen ge, traduite par Jean de Meun, l'auteur du >Roman de laRose, à l'extrême fin du 13e siècle, puis remaniée et commentée à plusieurs reprises. C'est l'une de ces versions glosées qu'offre le livre à partir du manuscrit Leber 817 de la bibliothèque municipale de Rouen, manuscrit datant de la fin du Moyen ge. Ce manuscrit est un luxueux in-quarto superbement calligraphié etsomptueusement illustré, dont les miniatures sont reproduites sur le cédérom qui accompagne l'ouvrage.
Le phénomène complotiste occupe une place de choix dans l'attention de nos contemporains. Il inquiète, il fascine et prend figure de défi pour ceux qui sont attachés à la démocratie et à l'État de droit. Sociologues, psychologues et psychanalystes, philosophes et historiens se sont penchés sur le complotisme. Cette synthèse accessible d'un historien nourri des apports d'autres disciplines cerne le phénomène, l'interroge en termes de rupture et de continuité et questionne son rapport à la culture démocratique.
Ce n'est ni en défaisant l'État social ni en s'efforçant de le restaurer comme un monument historique que l'on trouvera une issue à la crise sociale et écologique. C'est en repensant son architecture à la lumière du monde tel qu'il est et tel que nous voudrions qu'il soit. Et, aujourd'hui comme hier, la clé de voûte sera le statut accordé au travail.
Face à la faillite morale, sociale, écologique et financière du néolibéralisme, l'horizon du travail au XXIe siècle est celui de son émancipation du règne exclusif de la marchandise. Comme le montre le cas du travail de recherche, les statuts professionnels qui ont résisté à la dynamique du Marché total ne sont donc pas les fossiles d'un monde appelé à disparaître, mais bien plutôt les germes d'un régime de travail réellement humain, qui fasse place au sens et au contenu du travail - c'est-à-dire à l'accomplissement d'une oeuvre.
Titulaire de la chaire État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités de 2012 à 2019, Alain Supiot est professeur émérite au Collège de France et membre correspondant de la British Academy.
La conservation intégrale du passé est-elle possible, voire souhaitable? En 1986, Michel Melot s'interrogeait avec ironie sur les motivations et les effets de la préservation et la transmission des archives de toute nature. Aujourd'hui, à l'heure de l'archivage numérique massif, ce texte garde toute sa pertinence. Aucun effort, aussi grand fût-il, ne permettra jamais à l'historien et au public de revivre une absolue reconduction du temps: le pouvoir de l'archiviste réside avant tout dans sa dimension symbolique.
Vers 1530, Le Corrège peint une série de quatre tableaux dédiés aux amours de Jupiter. Sur l'un d'entre eux, Io semble surprise par le dieu ayant pris l'apparence de nuées. Le peintre s'éloigne du mythe raconté par Ovide pour insister sur la tension paradoxale entre la réalité charnelle de la nymphe et la nature vaporeuse du dieu. Cette rencontre devient une projection imaginaire, une phantasia érotique susceptible d'abuser les sens. À travers l'exploitation de sources littéraires et philosophiques, et la reprise de motifs antiques bien connus à la Renaissance, c'est une mise en scène onirique qui s'offre au spectateur, où l'expérience fantasmatique sert de point de départ à la présentation autonome d'une rêverie féminine voluptueuse.