Mai 1940, on fête à Berlin la campagne de France. La ferveur nazie est au plus haut. Derrière la façade triomphale du Reich se cache un monde de misère et de terreur. Seul dans Berlin raconte le quotidien d'un immeuble modeste de la rue Jablonski, à Berlin. Persécuteurs et persécutés y cohabitent. C'est Mme Rosenthal, juive, dénoncée et piullée par ses voisins. C'est Baldur Persicke, jeune recrue des SS qui terrorise sa famille. Ce sont les Quengel, désespérés d'avoir perdu leur fils au front, qui inondent la ville de tracts contre Hitler et déjouent la Gestapo avant de connaître une terrifiante descente aux enfers.
De Seul à Berlin, Primo Levi disait, dans Coversations avec Ferdinando Camon, qu'il était «l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie». Aucun roman n'a jamais décrit d'aussi près les conditions réelles de survie des concitoyens allemands, juifs ou non, sous le III Reich, avec un tel réalisme et une telle sincérité.
Guy Debord (1931-1994) a suivi dans sa vie, jusqu'à la mort qu'il s'est choisie, une seule règle. Celle-là même qu'il résume dans l'Avertissement pour la troisième édition française de son livre La Société du Spectacle :
«Il faut lire ce livre en considérant qu'il a été sciemment écrit dans l'intention de nuire à la société spectaculaire. Il n'a jamais rien dit d'outrancier.»
Comment garder tout son flegme quand on apprend dans la même journée: que sa maison va être abattue dans la minute pour laisser place à une déviation d'autoroute; que la Terre va être détruite d'ici deux minutes, se trouvant, coïncidence malheureuse, sur le tracé d'une future voie express intergalactique; que son meilleur ami, certes délicieusement décalé, est en fait un astrostoppeur natif de Bételgeuse et s'apprête à vous entraîner aux confins de la galaxie? Pas de panique! Car Arthur Dent, un Anglais extraordinairement moyen, pourra compter sur le fabuleux Guide du voyageur galactique pour l'accompagner clans ses extraordinaires dérapages spatiaux moyennement contrôlés.
«À l'aube du second jour, quand soudain les buildings de Coca montent, perpendiculaires à la surface du fleuve, c'est un autre homme qui sort des bois, c'est un homme hors de lui, c'est un meurtrier en puissance. Le soleil se lève, il ricoche contre les façades de verre et d'acier, irise les nappes d'hydrocarbures moirées arc-en-ciel qui auréolent les eaux, et les plaques de métal taillées en triangle qui festonnent le bordé de la pirogue, rutilant dans la lumière, dessinent une mâchoire ouverte.» Ce livre part d'une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d'une dizaine d'hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. Un roman-fleuve, «à l'américaine», qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métiers et des corps tout court.
Un beau matin, Onni Rellonen, petit entrepreneur dont les affaires périclitent, et le colonel Hermanni Kemppainen, veuf éploré, décident de se suicider. Le hasard veut qu'ils échouent dans la même grange. Dérangés par cette rencontre fortuite, ils se rendent à l'évidence : nombreux sont les candidats au suicide. Dès lors, pourquoi ne pas fonder une association et publier une annonce dans le journal ? Le succès ne se fait pas attendre. Commence alors, à bord d'un car de tourisme flambant neuf, une folle tournée à travers la Finlande. Parmi la trentaine de suicidaires de tous poils qui s'embarquent pour l'aventure : un joyeux boute-en-train et un vieux Lapon sympathique et retors, éleveur de rennes, qui voient là une issue inespérée à leurs infortunes.
Un périple loufoque mené à un train d'enfer, des falaises de l'océan arctique jusqu'au cap Saint-Vincent au Portugal. L'occasion aussi d'une réflexion férocement drôle sur le suicide.
Le Maupassant des grands jours, des histoires assez lestes qui, dans la veine de Boule de suif, évoquent des paysans trousseurs de filles, de plantureuses noces normandes, des quincailliers de province que le démon de midi pousse à d'infructueuses tentatives de viol dans des compartiments de chemins de fer. Mais aussi «La Peur», «La Folle», le Maupassant qui en quelques pages touche le fond du coeur humain dans ce qu'il a de plus pitoyable ou cruel. Il n'est guère de portraits de la haine comparables à celui qui, dans «Saint-Antoine», oppose un soldat allemand et un fermier du pays de Caux, et «La Rempailleuse» est peut-être la plus belle histoire d'amour que Maupassant ait jamais écrite.
" pendant de longues années, autant que dura notre jeunesse, nous nous tînmes sur la plus grande réserve et ne fîmes jamais allusion au passé.
L'autre jour, elle me demanda à brûle-pourpoint, et son visage encadré de cheveux gris se colorait d'une rougeur juvénile :
- pourquoi m'avez-vous quittée ?
- pris de court, je n'eus pas le temps de fabriquer un mensonge. aussi fus-je sincère :
- je ne sais plus...j'ignore tant de choses de ma propre vie.
- moi, je regrette dit-elle (et déjà je m'inclinais à cette promesse de compliment).
Il me semble que vous devenez très drôle en vieillissant ".
Thierry Metz, manoeuvre mais aussi écrivain et poète, a consacré ses heures de liberté à l'écriture. En 1990, pendant six mois, alors qu'il travaillait à la réhabilitation d'une usine, il a consigné sa vie quotidienne au coeur de ce Journal d'un manoeuvre, d'une poésie brute, splendide, émouvante.
De retour d'un voyage en France à la recherche de ses origines, Jean Louis Lebris de Kerouac, le chef de file du mouvement beat, s'aperçoit qu'il a reçu une sorte d'illumination, un satori. Ne sachant à quel épisode précis attribuer cette révélation, il décide de revivre avec le lecteur ces dix journées passées dans notre pays, journées où abondent les situations inattendues, et où l'on sent ce besoin de sympathie et de chaleur humaine que Kerouac manifestait en maintes occasions.
Une maisonnette rouge flanquée d'un petit sauna en bois gris, non loin d'Helsinki. Linnea, la douce veuve du colonel Ravaska, mène une existence paisible à soigner ses violettes et son chat. Pourtant chaque mois, le jour où elle touche sa pension, un trio maudit, conduit par son neveu, s'invite sous son toit pour la détrousser. Lorsque ses visiteurs ne se contentent plus de sa maigre retraite et exigent un testament à leur avantage, c'en est trop. Elle est résolue à en finir. Comprenez : à se suicider. Mais, surprise, concocter un poison mortel se révèle une activité beaucoup plus passionnante que tricoter. Et les noirs desseins de Linnea, par une suite précipitée d'événements cocasses, se retournent en sa faveur, tandis que ses ennemis...
Génie du comique de situation, Paasilinna récidive avec une vieille dame tranquille candidate au suicide. Arsenic et vieilles dentelles trempé dans l'aquavit, les rocambolesques aventures de la colonelle sont l'occasion de revisiter l'univers à la fois brut, drôle et loufoque du grand écrivain finlandais.
«Djamilia était vraiment très belle. Élancée, bien faite avec des cheveux raides tombant droit, de lourdes nattes drues, elle tortillait habilement son foulard blanc, le faisant descendre sur le front un rien de biais, et cela lui allait fort bien et mettait joliment en valeur la peau bronzée de son visage lisse. Quand Djamilia riait, ses yeux d'un noir tirant sur le bleu, en forme d'amande, s'allumaient... Et j'étais jaloux d'elle, comme les jeunes frères sont jaloux de leurs soeurs...»
Riche propriétaire terrien du Kentucky, Henry Forge dédie sa vie à la recherche de la combinaison génétique idéale pour créer le cheval parfait, une machine de course imbattable et grandiose. Digne héritier d'une famille autoritaire habituée depuis des décennies à posséder, commander, dominer, il fait tout plier à sa volonté, la génétique comme sa fille unique, Henrietta, à qui il transmet son obsession. Dans une ville voisine, Allmon Shaughnessy, un jeune homme noir élevé dans les quartiers pauvres par une mère souffrante, grandit dans un monde de discriminations et d'injustices où les violences policières sont légion. Déterminé à changer le cours de son destin et à conquérir la fortune qu'il mérite, Allmon arrive chez les Forge : garçon d'écurie au talent rare et à l'ambition dévorante, il va mener à la victoire une pouliche de légende, Hellsmouth, bouleverser l'équilibre malsain de la famille et découvrir l'envers du rêve américain. oeuvre monde, Le sport des rois nous emporte dans son impétueux courant, profond et violent comme le fleuve Ohio. Cette plongée vertigineuse dans les abysses de l'esclavage et de son héritage, entremêle avec brio les époques et les lieux et livre, par la force unique de son souffle. Une exceptionnelle épopée américaine sur plus de trois générations.
Aristide Saccard est ruiné. Après une série de mauvaises affaires, il a perdu la fortune colossale qu'il avait amassée lors des grands travaux haussmanniens. Mais qu'à cela ne tienne : il achète un hôtel particulier et y fonde la Banque Universelle, qui attire les petits épargnants, les opportunistes et les requins de la finance. La danse infernale de la spéculation peut recommencer.Paru en 1891, L'Argent est le dix-huitième tome du cycle des Rougon-Macquart. Voici Saccard, le détestable héros de La Curée, engagé dans une nouvelle manigance. Alors que le scandale de Panama, en 1889, est encore frais dans les mémoires, Zola livre un roman impitoyable : formidable tableau d'un désastre, minutieuse dissection d'une entreprise vouée à l'échec, c'est aussi le récit d'une obsession, celle du capital. Zola fait de la spéculation un moteur, vital et morbide à la fois : «l'éternel désir qui force à lutter et vivre».
À la mort de sa mère, Christophe Boltanski découvre dans son appartement le manuscrit d'un polar qu'elle avait entamé, « Le Guetteur », mettant en scène un harceleur terrifiant. Mais qui guette qui ? Personne ne savait qu'elle écrivait. Comment vivait cette femme fantasque et insaisissable, enfermée dans son appartement parisien avec pour seul compagnon son chien ? Elle qui aimait le frisson, pourquoi s'est-elle coupée du monde ? L'énigme de sa mère devient une obsession pour Christophe Boltanski. Alors il décide de la prendre en filature. Et de remonter le temps. Est-ce dans ses années d'études à la Sorbonne, en pleine guerre d'Algérie, où l'on tracte et l'on se planque, que la jeune femme bascule ? Peu à peu sa prudence dégénéra en paranoïa et son militantisme laissa place au fantasme de l'action. Le Guetteur est le roman bouleversant d'une femme qui a recensé toutes les cigarettes qu'elle a fumées, était convaincue que ses voisins l'espionnaient, et s'est perdue en cours de route. C'est aussi la quête d'un fils qui cherche à retrouver sa mère. Et la confirmation d'un grand écrivain.
«Premier roman de moi publié, Tanguy fut-il aussi le premier que j'aie conçu comme un texte littéraire ? [...] Cette réimpression intervient peu de temps après la parution de Rue des Archives, qui en éclaire les aspects cachés, ce que de nombreux lecteurs n'ont pas manqué de relever. Les deux livres se répondent en effet l'un l'autre. [...] De Tanguy à Xavier, il y a plus que l'épaisseur d'une vie, il y a toute l'amertume d'un désenchantement, qui doit moins à l'âge qu'à la progressive découverte de l'horreur. Si je gardais, à vingt ans, quelques illusions, le sexagénaire qui a écrit Rue des Archives n'en conserve, lui, plus aucune. En ce sens, la boucle est bien bouclée.L'aveu étouffé de Tanguy fait la musique désenchantée de Rue des archives. [...]De l'un à l'autre, un seul lien, la littérature. Elle constitue, on l'a compris, ma seule biographie et mon unique vérité.»Michel del Castillo.
«J'ai entrepris cet inventaire de la condition du Colonisé d'abord pour me comprendre moi-même et identifier ma place au milieu des autres hommes... Ce que j'avais décrit était le lot d'une multitude d'hommes à travers le monde. Je découvrais du même coup, en somme, que tous les colonisés se ressemblaient ; je devais constater par la suite que tous les opprimés se ressemblaient en quelque mesure.» Et Sartre d'écrire : «Cet ouvrage sobre et clair se range parmi les géométries passionnées : son objectivité calme, c'est de la souffrance et de la colère dépassée.» Cet essai est devenu un classique, dès sa parution en 1957 : il soulignait combien les conduites du colonisateur et du colonisé créent une relation fondamentale qui les conditionne l'un et l'autre.
Après une jeunesse pour le moins erratique, Terry Flint s'est marié, a eu deux enfants et occupe depuis quelques mois la fonction de greffier chez KRP, un important cabinet d'avocats. L'associée chargée des affaires pénales le désigne pour la seconder dans unprocès qui promet d'être retentissant. Vernon James, tout juste élu «personnalité éthique» de l'année, est accusé d'avoir assassiné une jeune femme dans la suite de l'hôtel qu'il occupait après la remise de son prix. Mais ce que l'avocate ignore, c'est que par le passé Vernon a anéanti l'existence de Terry, dont il était pourtant le meilleur ami. Pour ne pas perdre son travail, Terry décide de ne rien dire. Mais sera-t-il capable de remplir sa mission sans se laisser submerger par son ressentiment? Fera-t-il vraiment tout ce qui est en son pouvoir pour prouver l'innocence de leur client?
Après l'arrestation de Babel en 1939, un interdit absolu a pesé sur l'homme et sur son oeuvre. Son nom fut banni des manuels et des encyclopédies, ses écrits devinrent introuvables. De là vient que les dix-sept récits recueillis dans le présent volume s'étendent sur toute la vie littéraire de Babel.Comme tous ses écrits déjà connus, ils sont nourris d'expériences vécues, mettent en scène des personnages réels. Rien ici d'inventé, dirait-on, rien d'imaginaire ; et cependant, à travers la diversité des thèmes, la présence incomparable de Babel affirmée partout, composé unique de précision, de densité, d'émotion et d'humour.
Livre sensoriel et énigmatique, retour définitif et durable de l'être aimé s'attache à brouiller les frontières entre poésie et roman, sérieux et futile, formel et informel. De paysages et portraits esquissés, Olivier Cadiot écrit moins qu'il ne scande cette romance dont la beauté s'échafaude et se nourrit tout autant de bifurcations que de ruptures fulgurantes.
«Elle sanglotait. L'abbé Faujas avait redressé sa haute taille, il s'approcha de Marthe, laissa tomber sur elle son mépris de la femme.- Ah ! misérable chair ! dit-il. Je comptais que vous seriez raisonnable, que jamais vous n'en viendriez à cette honte de dire tout haut ces ordures... Oui, c'est l'éternelle lutte du mal contre les volontés fortes. Vous êtes la tentation d'en bas, la lâcheté, la chute finale. Le prêtre n'a pas d'autre adversaire que vous, et l'on devrait vous chasser des églises, comme impures et maudites.- Je vous aime, Ovide, balbutia-t-elle encore ; je vous aime, secourez-moi.»
Nous sommes à la veille de 1900, au moment où décadentisme et anarchie se donnent la main pour conduire le siècle à sa fin. Georges Randal, un jeune homme de bonne famille, orphelin ruiné par un oncle indélicat, lorsque le temps est venu de prendre une situation, décide de se faire voleur. Pourquoi ? Comme ça. Pour rien. Pour dire non à la société, à la bourgeoisie, à l'ordre, aux socialistes qui se trémoussent sur l'estrade et aux moralistes qui tirent la chasse d'eau des larmoiements humanitaires.
En somme, Randal, en bon nihiliste, dit non à tout et aux voleurs eux-mêmes : « Je fais un sale métier, c'est vrai ; mais j'ai une excuse : je le fais salement. » Pas tout à fait. Car il y a chez notre voleur un peu du dandy baudelairien, un peu d'Arsène Lupin mâtiné de Jarry et d'Alphonse Allais. Et un goût intact, presque virginal, de la révolte, un coeur sensible et bon, « trop bien battant, disait Breton, pour ne pas heurter en tous sens les parois de la cage ».
« Voici l'un des plus beaux textes de Thomas Bernhard. Il date apparemment de la fin des années soixante-dix, et l'on y retrouve bien sûr les thèmes habituels : l'existence "au degré de difficulté le plus haut" d'un "être de l'esprit" engagé dans une recherche totale et mortelle. Ici, c'est la physiognomonie appliquée à quatre personnages ordinaires rencontrés à la cantine populaire (à ce qu'il y a de plus quotidien donc), dans le disocurs bernhardien en abyme, et en écho aux périodes difficiles dont parlent les romans autobiographiques.
Mais au-delà de la thématique, ce texte est peut-être surtout, lui aussi, une composition grandiose, une magnifique dentelle, une partition magistrale dont les amateurs auront le plus grand plaisir à découvrir une variation supplémentaire. »
Claude Porcell.
«L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.» « Nous ne trouvons guère de gens de bon sens, que ceux qui sont de notre avis.» «Les querelles ne dureraient pas longtemps, si le tort n'était que d'un côté.» La Rochefoucauld.
Une invitation à la sagesse d'une implacable lucidité et d'une ironie mordante par l'un des plus grands moralistes du XVIIe siècle.