Adolphe Gouhenant (1804-1871) fut un acteur aujourd'hui oublié du mouvement social au xixe siècle. Sa première réalisation fut la construction d'une tour dominant la ville de Lyon, dédiée aux arts et aux sciences. Après l'échec de ce projet, il s'engagea dans le mouvement social sous la bannière du communisme icarien d'Étienne Cabet. Accusé de complot communiste à Toulouse en 1843, il fut acquitté et vécut quelques années de son métier de peintre, avant d'être choisi par Cabet pour mener l'avant-garde de la communauté que ce dernier voulait fonder au Texas. Le fiasco de cette expérience le lança dans une nouvelle vie aux États-Unis où ses dons artistiques lui permirent de se réinventer.
L'entrelacement des conflits de classe et du racisme est une question très discutée. Très tôt, ceux qui se revendiquent de l'héritage de Marx prennent en charge ce problème; et parmi eux, C.L.R. James (1901-1989). C'est en Angleterre, où il est venu comme journaliste, qu'il prend la décision d'écrire un livre sur la révolution de Saint-Domingue, « l'unique révolte d'esclaves de l'histoire à avoir réussi ». Le livre sera publié en 1938 sous le titre: Les Jacobins noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue. Contre les lectures raciales de l'événement, lectures alors dominantes, C.L.R. James met en lumière les dynamiques de classes à l'oeuvre au cours de la révolution.
Inscrits dans des systèmes dynamiques, les lieux de culte se définissent comme des espaces de tension et d'appropriation, où les rites prennent sens avec la pratique de cultores dont l'appartenance éventuelle à différentes communautés incite à s'interroger sur la manière dont chacun d'eux s'approprie ce paysage religieux. L'ouvrage vise à faire percevoir les logiques relationnelles à l'oeuvre autour des lieux de culte par l'examen des vestiges archéologiques et cultuels, des inscriptions religieuses et des sources littéraires afin d'observer la continuité, l'adaptation ou, dans la durée, la conversion de ces espaces, privés ou publics, à Rome ou dans les provinces.
Interrogeant l'articulation entre sexe, genre et sexualité, faisant la critique des processus de normalisation et d'exclusion, le queer a par excellence partie liée avec la scène. Par des études des scènes française, espagnole, latino américaine, des entretiens d'artistes tel Steven Cohen, et un Manifeste pour une lesbianisation du théâtre (Mag De Santo), le dossier central offre un parcours riche des formes scéniques contemporaines renouvelées. Le Cahier de la création médiatise la naissance d'Aux corps prochains de Denis Guénoun et s'ouvre à la dramaturgie de Zeca Ligiero. Les entretiens du Cahier des spectacles reviennent sur l'édition des oeuvres dramatiques de Dumas et sur Les Idoles de Christophe Honoré.
Cette édition critique de la première tragédie consacrée en France au personnage de Spartacus permet de situer Bernard-Joseph Saurin dans le milieu intellectuel des Encyclopédistes. Sa tragédie de 1760, remaniée en 1769, se propose « école publique de morale », s'inscrivant pleinement dans le programme idéologique et artistique des Lumières. Les trahisons faites par Saurin sur le Spartacus historique sont à replacer dans l'histoire de la construction de l'identité nationale portée par le Tiers-Etat à l'horizon de la Guerre de Sept ans. Elles sont à inscrire dans l'invention du grand homme proposée par le XVIIIe siècle, notamment par les tragédies à « propagande philosophique » post-voltairiennes.
Ruse et magie partagent une histoire millénaire au cours de laquelle elles ont souvent été en relation. Les différentes formes de magie pratiquées au fil des siècle - des rites des sorcières de l'Antiquité aux tours de prestidigitation des illusionnistes modernes en passant par les sorts de Merlin et la magie naturelle de la Renaissance - impliquent souvent une dimension 'rusée' qui se manifeste de diverses manières. Le présent ouvrage se compose de neuf chapitres qui analysent les rapports que la magie entretient avec la ruse dans des contextes différents et selon une approche à la fois diachronique et pluridisciplinaire, mêlant histoire des sciences, littérature et psychologie cognitive.
Ces neuf essais tentent de modifier notre approche des premiers siècles avant et de notre ère, à Rome et dans le monde romain, en abordant la notion de « République impériale », au moyen de l'étude des sources (littéraires, épigraphiques ou numismatiques) et des moments de transition entre la république et le principat, au travers d'analyses politiques, sociales et administratives. Le modèle impérial fait ainsi l'objet d'un nouvel éclairage à partir de définitions renouvelées de la res publica en tant que chose publique et État romain. Les figures de Cicéron et de Sénèque, des imperatores ainsi que d'Auguste ou de Tibère sont au coeur de cet ouvrage, fruit d'une recherche collective en cours.
Nous avons inventé la fin de vie, au sens où nous avons fabriqué cette question de société et cette période de la vie, qui détermine un nouvel aspect de la condition humaine et s'incarne dans la figure du mourant. Comment faire pour que toute fin de vie demeure une vie pleinement humaine jusqu'à la mort? Comment négocier les choix de valeurs pluriels des individus, les conditions fabriquées par l'évolution des moeurs et des techniques, et le besoin de règles communes en médecine et en droit? Cet ouvrage défend la légitimité du pluralisme sous ses différents aspects épistémique, thérapeutique, politique et éthique.
En 1609, une jeune religieuse issue de la noblesse marseillaise est atteinte de spasmes à Aix-en-Provence. Elle affirme être possédée par un démon et accuse Gaufridy, prêtre de Marseille, d'avoir provoqué sa possession. Après de nombreux exorcismes, l'affaire est saisie par le Parlement de Provence en 1611. À l'issue du procès, Louis Gaufridy est condamné à être brûlé vif.Par les hauts statuts sociaux de ses protagonistes, cet événement marqua profondément les esprits contemporains. Source d'inspiration de grandes affaires ultérieures, il bouleversa le schéma habituel des affaires de possession et fit entrer la sorcellerie dans une nouvelle ère.
L'empire perse achéménide fascine les Grecs, qui le perçoivent de façon très déformée, et qui comprennent mal son fonctionnement. Au ve siècle avant J.-C, son observation alimente leur réflexion politique, parallèlement à la stasis, terme par lequel ils désignent les conflits internes de leurs cités. Dans ce double exercice, Hérodote, les Tragiques et les Sophistes pensent le politique, et ils préparent la naissance de la théorie politique au siècle suivant. Le débat sur la meilleure constitution en procède: Hérodote le projette sur les conjurés perses de 522 (III, 80-82). La crise qui éclate cette année-là dans l'empire perse tient à ce que la succession de Cyrus, mort en 530 avant J.-C., n'était pas réglée, bien qu'il ait désigné son fils Cambyse pour lui succéder. Ce dernier a probablement compromis lui-même ce processus, en faisant éliminer son frère Bardiya, en dévoyant à cette fin le rituel originellement babylonien du substitut royal, ignoré des Grecs en tant que tel, mais transformé par eux de façon totalement inconsciente sur le mode du dédoublement et de la ressemblance. L'instrument de cette machination, le mage Gauma¯ta, était devenu Bardiya, en vertu même du rituel, et il a prétendu régner à la place de Cambyse avant même sa mort, survenue selon toute apparence de façon accidentelle. Darius, probable cousin de Cambyse, a renversé le mage avec 6 conjurés, pour régner à son tour, en prétendant restaurer la légitimité dynastique. Le débat constitutionnel qui précède son avènement chez Hérodote est fondé sur une arithmétique élémentaire opposant constamment le petit nombre, réduit jusqu'au chiffre un, un effectif un peu plus important, mais qui demeure restreint, et le grand nombre. Cette distinction se retrouve entre la monarchie, pouvoir d'un seul, l'oligarchie, pouvoir d'une minorité, et la démocratie, pouvoir du grand nombre. Les Grecs l'appliquent au champ du politique, alors que le monde indien répartissait les fonctions duméziliennes selon le même critère. L'historiographie grecque des rois mèdes et perses est fondée sur une typologie d'inspiration tout aussi tri-fonctionnelle, qui réserve à chacun d'entre eux un rôle: roi fondateur et organisateur, roi guerrier, souverain lié à la Troisième Fonction. Cette typologie n'est pas un carcan rigide, et elle s'adapte à chacun des règnes, et à chacun des monarques.
Les légendes thébaines sont une riche source d'inspiration pour les Tragiques athéniens. Cité puissante, voisine et ennemie d'Athènes dans la réalité, Thèbes offre pourtant dans la tragédie une image contrastée: cité de l'hubris, servant de contre-modèle à Athènes, elle s'illustre aussi par des figures exemplaires, tels Ménécée ou Antigone; et, loin de constituer, dans ses aspects les plus sombres, un simple repoussoir pour Athènes, elle en fait apparaître aussi les traits marquants. Tout à la fois image inverse et miroir d'Athènes, la Thèbes tragique vient nourrir la réflexion sur l'Athènes classique, particulièrement celle de la guerre du Péloponnèse.
Depuis huit millénaires au moins, les sociétés agricoles ont considéré le sel comme une source de vie et de richesse dont l'origine s'inscrivait dans les mythes. Les approches croisées des ethnologues, des archéologues, des historiens et des environnementalistes permettent aujourd'hui de renouveler profondément nos connaissances sur l'exploitation généralisée de l'eau de mer, des sources salées, des terres salées et du sel gemme. Ainsi, d'extraordinaires techniques ont été mises en oeuvre, tandis que les logiques sociales plaçaient le sel au centre des systèmes de croyance, un peu partout dans le monde. Les vingt-quatre contributions regroupées dans cet ouvrage ont été présentées en octobre 2006 lors d'un colloque international du bicentenaire de la mort de Claude-Nicolas Ledoux, l'architecte génial de la Saline Royale d'Arc-et-Senans. Rompant avec les limites entre disciplines scientifiques et les cloisonnements géographiques, les auteurs proposent une nouvelle lecture de l'exploitation du sel en abordant la longue durée, depuis la Chine et le Mexique préhispanique jusqu'à l'Europe préhistorique, ou encore des salines médiévales continentales au sel antique méditerranéen. C'est donc d'histoire technique et sociale qu'il s'agit, en relation avec les modifications environnementales.
Au fil de 6 articles sur le théâtre de Marivaux, surgissent les contradictions internes des comédies, où la figure de Marivaux se profile derrière celle de ses personnages, où la contrainte le dispute à la légèreté, où l'identité se dérobe derrière le caractère, et où le silence est lourd de significations. Il y a des comptes rendus de la mise en scène du Bourgeois gentilhomme, de La Seconde Surprise de l'amour, de Fantasio et de La Cerisaie et du livre, Théâtres des Antilles. L'inédit est une traduction de 2 monologues de Robert Browning où il fait parler 2 peintres de la Renaissance italienne, Filippo Lippi et Andrea del Sarto.