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Sens Et Tonka
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" Si l'on cesse de regarder le paysage comme l'objet d'une industrie on découvre subitement - est-ce un oubli du cartographe, une négligence du politique ? - une quantité d'espaces indécis, dépourvus de fonction, sur lesquels il est difficile de porter un nom. Cet ensemble n'appartient ni au territoire de l'ombre ni à celui de la lumière. Il se situe aux marges. En lisière des bois, le long des routes et des rivières, dans les recoins oubliés de la culture, là où les machines ne passent pas. Il couvre des surfaces de dimensions modestes, dispersées comme les angles perdus d'un champ ; unitaires et vastes comme les tourbières, les landes et certaines friches issues d'une déprise récente.
Entre ces fragments de paysage aucune similitude de forme. Un seul point commun : tous constituent un territoire de refuge à la diversité. Partout ailleurs celle-ci est chassée.
Cela justifie de les rassembler sous un terme unique. Je propose Tiers paysage, troisième terme d'une analyse ayant rangé les données principales apparentes sous l'ombre d'un côté, la lumière de l'autre.
Le concept de Tiers paysage renvoie à Tiers état (et non à Tiers-monde). Espace n'exprimant ni le pouvoir ni la soumission au pouvoir.
Il se réfère au pamphlet de Sieyès en 1789 :
" Qu'est-ce que le Tiers état ?
- Tout.
- Qu'a-t-il fait jusqu'à présent ?
- Rien.
- Qu'aspire-t-il à devenir ? " - Quelque chose. " Cet ouvrage a paru initialement aux éditions Sujet/Objet en 2004.
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Produire du Commun est une condition indispensable à la réussite de la transformation sociétale qui nous incombe. Des artistes, des acteurs culturels, des techniciens, des élus et des populations expérimentent quotidiennement des modes de création et de production artistiques, des démarches collectives et collaboratives et des formes de gouvernance qui contribuent à la réflexion sur cette mutation. En 2001, le rapport Friches, laboratoires, fabriques, squats, projets pluridisciplinaires... : une nouvelle époque de l'action culturelle, commandé par Michel Duffour, secrétaire d'État au patrimoine et à la décentralisation culturelle, avait permis de décrire et de rendre visibles ces espaces intermédiaires, physiques et symboliques, dessinant de nouveaux rapports entre art et société. Depuis, des chercheurs ont documenté ces initiatives et produit de nombreux ouvrages. Vingt ans après les Rencontres des nouveaux territoires de l'art à La Friche la Belle de Mai, trente d'entre eux - philosophes, économistes, sociologues, architecte, paysagiste - explicitent et précisent, sous la forme d'un abécédaire, le vocabulaire et les concepts initiés ou développés par et autour de ces démarches singulières. 30 auteurs pour 120 mots Lauren Andres, Hugues Bazin, Raphaël Besson, Patrick Bouchain, Bruno Caillet, Étienne Capron, Gilles Clément, Emmanuelle Gangloff, Gwénaëlle Groussard, Gabrielle Halpern, Philippe Henry, Isabelle Horvath, Arnaud Idelon, Cassandre Jolivet, Luc de Larminat, Fabrice Lextrait, Alain Lipietz, Matina Magkou, Léa Massaré di Duca, Isabelle Mayaud, Hélène Morteau, Pascal Nicolas-Le Strat, Cécile Offroy, Fabrice Raffin, Marta Rosenquist, Laurence Roulleau-Berger, Dominique Sagot-Duvauroux, Colette Tron, Emmanuel Vergès, Joëlle Zask
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Vingt-cinq ans après la première édition les propos développés dans cet ouvrage n'ont fait l'objet d'aucune modification sur le fond ou sur la pratique d'un « jardinage en mouvement ». Les urgences écologiques, aujourd'hui mieux ancrées dans les consciences qu'elles ne l'étaient à la fin du XXe siècle, tendent à valoriser ces pratiques à toutes les échelles et à les affiner. Certaines légendes d'illustrations reformulées, plusieurs images ajoutées, le texte concernant le jardin du musée du Quai Branly-Jacques Chirac développé, telles sont les ajouts de cette édition.
Vingt-cinq années de croissance végétale modifient les paysages, elles ne modifient pas forcément l'état d'esprit dans lequel ils se développent. Le message essentiel de ce livre « faire le plus possible avec et le moins possible contre la nature » demeure à tous les stades de l'évolution d'un espace incluant le vivant.
Toutefois on peut faire deux remarques importantes que seul le recul du temps nous permet d'établir :
- La première est technique et concerne la biodiversité.
La fermeture des espaces par la strate arborée en développement progressif diminue la présence visuelle des espèces herbacées pour majorité héliophiles. Un des aspects importants de la maintenance du jardin en mouvement porte sur la nécessité de maintenir l'équilibre de l'ombre et de la lumière. Parfois il faut supprimer des arbres devenus trop grands faisant disparaître la clairière, la lumière et la biodiversité qui lui est associée. Ces arbres trop présents peuvent appartenir à une série que l'on a soi-même planté quelques années plus tôt. Les éliminer n'est pas tâche facile, on peut se contenter de l'ombre et dire que la diversité désormais invisible sous les frondaisons continue de vivre à l'état de graines et de dormir en attendant les conditions de la germination : le soleil et l'eau. On peut aussi donner place à la composition paysagère et choisir les espèces que l'on peut soustraire à l'espace trop dense pour retrouver l'équilibre cherché. Ce travail serait à faire aujourd'hui dans la partie dédiée au jardin en mouvement du parc André Citroën et bientôt dans le jardin du musée du Quai Branly.
Cette remarque sur la diversité héliophile dans la strate herbacée concerne les climats non tropicaux. Sous les tropiques la diversité botanique s'exprime très bien dans la strate arborescente. Un jardin en mouvement en zone tropicale serait celui des singes et des oiseaux dans l'enchevêtrement des canopées, il n'y aurait rien d'autre à faire que d'édifier des passerelles en suspens pour s'y promener. Nous parlons ici des forêts primaires rélictuelles, celles que le Stupidocène oublieux a laissées çà et là, éparses et perdues sur la planète anthropisée.
- La seconde est culturelle et concerne la composition dans l'espace.
À l'exception des cultures animistes et totémistes pour qui le jardin est un territoire naturel pourvu des richesses que l'on va glaner ou chasser, les sociétés humaines ont organisé le jardin en donnant aux formes, aux lignes, aux perspectives et à la scénographie générale un droit absolu de composition. Cette façon de dessiner le jardin place la question du vivant en second rôle.
Le jardin en mouvement se positionne à l'opposé de cette perception du monde, il ne doit aucune de ses formes à une vision cultuelle idéalisée de l'espace mais à une préséance donnée au vivant. Si les formes sont changeantes c'est précisément parce que « toujours la vie invente ».
Ces pratiques se multiplient et placent les concepteurs au-devant d'une question à laquelle aucune école ne les a préparé : comment accepter l'abandon ou le partage de la signature de l'espace qu'ils pensent avoir dessiné avec maîtrise ? Comment déplacer le rôle de la forme pour la mettre en position de résolution esthétique temporaire sous la dynamique du vivant et non en dispositif inchangeable telle une architecture sacrée ?
Il est à prévoir que l'enseignement dispensé pour atteindre ces objectifs s'orienterait alors une connaissance approfondie du vivant. Ceci afin d'initier un processus de conception des espaces qui nous lient à notre environnement, non en se soumettant à une dictature formaliste ou fonctionnaliste, mais en développant un dialogue avec le vivant par un accès à la compréhension et à l'acceptation du génie naturel.
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Instructions pour une prise d'armes est le texte d'Auguste Blanqui le plus connu et aussi le plus provoquant.
Il donne les règles pratiques en vue d'une résistance aux pouvoirs institués en milieu urbain afin de bloquer les décisions et de laisser au prolétariat le temps de s'organiser ; ce fut sans doute le texte le plus rêveur où l'Inflexible établissait les conditions utopiques d'existence : celle truffée d'espoir et celle de ne plus être le jouet du destin.
L'Éternité par les astres, est une parabole utopique sur les certitudes et les vérités de celui pour qui l'Éternel Retour faisait partie de l'avènement de la révolution.
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Nuages est un journal de bord tenu entre Le Havre et Valparaiso, du 18 septembre au 18 octobre 2004.
Nuages aborde les relations entretenues entre le jardinier et le ciel des météores. De tous les phénomènes agissant sur la nature, la météorologie demeure le plus insaisissable, celui que l'homme, en dépit de ses tentatives, ne parvient pas à orienter à sa guise.
Il est aussi celui qui façonne les climats, les flores, les paysages.
Il est enfin celui qui couvre la planète d'un seul élan, nous assure d'une réalité encore chancelante dans les esprits :
Gaïa la Terre, notre maison, fonctionne comme un seul et unique être vivant.
La relation du voyage et du ciel s'articule autour d'une figure : Jean-Baptiste Lamarck, naturaliste, savant, penseur universel, le premier à oser sérier les nuages et leur donner un nom. Le premier à concevoir une liaison intime entre les êtres vivants, les milieux, les climats, l'espace et le temps. Le premier, en conséquence, à nous donner les clefs du mécanisme de l'évolution et à en fixer les bases.
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Je ne me serais pas intéressé au blanc s'il n'apparaissait constamment comme une anomalie du paysage, tantôt le valorisant, tantôt le dégradant.
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Contre Lévi-Strauss : une philosophie du malencontre
Olivier Jacquemond
- Sens et tonka
- 11 Février 2022
- 9782845343030
Étreindre pour mieux trahir, n'est-ce pas le sens qu'il faut conférer au célèbre baiser de Judas? Ce geste est, nous semble-t-il, celui que commet le célèbre anthropologue structuraliste Claude Lévi-Strauss en 1950 lorsqu'il rend hommage à Marcel Mauss dans une introduction devenue un canon du genre, longtemps demeurée une porte d'entrée incontournable à Marcel Mauss, et particulièrement à son texte le plus connu et commenté, l'Essai sur le don, dont le contenu semble devoir s'éclairer grâce aux lumières lévi-straussiennes.
Est-ce le charme de ce texte précisément ou est-ce le propre de toutes les grandes oeuvres que d'offrir une expérience vivante de pensée? À notre sens, c'est vrai de tous les philosophes du malencontre (terme issu de Le Discours de la servitude volontaire, et érigé en concept par Pierre Clastres), ces auteurs inclassables qui font le pari de l'incertitude, qui prennent le risque de la pensée pour remonter le cours du temps et se poser la question matricielle formulée par Nietzsche dans La Généalogie de la Morale : «Quel(s) événement(s) se sont-ils produits pour que nous soyons devenus ce que nous sommes aujourd'hui?».
Claude Lévi-Strauss, avec toute son autorité, a, semble-t-il, préempté le texte, y posant ses scellés et fixant sa lecture pour plusieurs générations de lecteurs. Ce sera donc le regard médusant de Lévi-Strauss que nous chercherons ici à détourner comme Persée pour approcher le point aveugle et originaire dont l'oeuvre tire son exceptionnelle et irrésistible puissance.
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Cet ouvrage est composé pour partie de soixante-dix-sept collages de Claude Eveno, pour partie d'une fiction que composa Linda Lê en regardant les collages. Chaque oeuvre étant entière il nous a semblé qu'elles devaient être assemblées et données pour elles-mêmes, nous avons choisi de les assembler en tête-bêche.
Deux récits en écho l'un de l'autre, l'un en images, l'autre en mots. Présentés ensemble et séparés, tête-bêche dans un livre que l'on peut lire en commençant ou par l'un ou par l'autre, selon la force d'appel des mots ou des images pour le lecteur qui s'en empare. Nulle intrication graphique ne vient déranger le chemin qu'il aura choisi en premier.
Les images sont des collages de Claude Eveno, composés avec des bribes de l'histoire de la peinture et qui racontent beaucoup, tant ils sont délibérément figuratifs. Les regarder est un voyage dans une intériorité malmenée par des excès, souffrances, passions, cruautés, divagations du désir et de la folie, tristesse et mélancolie...
Les mots sont ceux de Linda Lê, une fiction racontant l'histoire d'un homme tourmenté qui nourrit ses turpitudes intérieures avec des « livres de collages » feuilletés tout au long de sa vie. Un solitaire douloureux, marqué par la mort, jouissant d'une existence de « cauchemar éveillé » où se mélangent les images de ses livres et celles de son imagination, en proie aux fantasmes, de moins en moins connectée à la réalité.
Lire les collages d'abord, c'est en retrouver des échos dans les mots du récit. Lire le texte d'abord, c'est entendre encore ces mots en entrant dans les images.
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Cet Abécédaire est le prolongement d' une conversation de l'auteur avec le philosophe Gilles A. Tiberghien.
Autonomie - Brassage planétaire - Continent théorique - Désobéissance - Étonnement - Faire avec - Génie naturel - Herbe - Initiative - Jardin - Kangourou - Lisière - Mouvement - Nuage - Optimisme - Patience - Q.I. - Résistance - Silence - Troc - Utopie - Variable - Wikipédier - X - Ying-yang - Zizanie
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Ce dernier livre prévu par l'auteur voyant son état de santé décliné montre l'importance qu'Emmanuel Levinas avait prise dans la vie philosophique de Miguel Abensour. Le sommaire, constitué de textes «bruts» ou «sans ambages», montre parfaitement les multitudes d'angles que cette pensée inspirait à M. Abensour, il l'imaginait comme l'une des plus libres qui soient, y compris sur des questions aussi délicates qu'inextricables qui se posaient en son temps et se posent toujours dans le nôtre.
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« Pendant q ue l'éc olo g ie radical e, arc- boutée à ses préceptes de rigueur , tente de résis ter, pendant q ue le Green business s'organise pour r éc upérer l e marché bio, une trois ième voie, sans no m, et qu'ici j 'appelle "L 'alt e rna tiv e ambiante", naît d es rumeurs entremêlées - analyses c ontradictoi re s, b i lans de catastrop he , prédi cti ons ha sard eu ses - mais auss i de vé rit ables const ats, d' e xpériences et de r e cherches s é rieuse s. [ ... ] L'alternative ambiante regarde du côté de la dé croissante sans y adhérer tout à fait, se détourne du Green business jugé excessif et, plutôt que d'espérer un quelconque salut venant des élus de la République, se place dans l'expectative en interrogeant les incidences possibles de l'Effet papillon. Oui, le jardin est planétaire, plus personne ne peut en douter mais tous ceux dont l'esprit alerté mesure les dimensions d'une si ample question se demandent comment on devient jardinier dans ce jardin-là. Aucune réponse ne parvient formulée d'un bloc. L'humanité incrédule, tour à tour endormie par les médias et réveillée par la crise, tente de nouvelles pistes de vie en terrain inconnu. Tout est à inventer, tout semble nouveau. »
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" Pour qui veut bien regarder, tout fait art. La nature, la ville, l'homme, le paysage, l'air du temps, ce qu'on appelle humeur et sur toute chose enfin, la lumière.
Par ailleurs, chacun connaît l'art des artistes, celui qui porte signature. Peintres, sculpteurs, musiciens, écrivains, cinéastes, danseurs etc. sont convoqués sur la question de l'art à propos de laquelle, on le sait, il y a toujours beaucoup à dire.
Il existe cependant une plage indéfinie où se croisent le champ brut de la nature - les circonstances - et le territoire authentifié de l'homme.
Ce terrain de rencontre produit des figures à la fois éloignées et proches de l'art suivant les définitions que l'on en donne. Pour ma part je considère comme art involontaire le résultat heureux d'une combinaison imprévue de situations ou d'objets organisés entre eux selon des règles d'harmonie dictées par le hasard. " De la confrontation de la nature et de celle de l'homme se dégage une synergie qui crée accidentellement des tableaux souvent d'une terrible beauté. Gilles Clément a, au long de ses voyages, décelé dans ces signes du croisement la présence d'un art involontaire.
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La lettre au carré : poésie et permutations
Emmanuel Rubio
- Sens et tonka
- 14 Novembre 2022
- 9782845343047
Trames, tables, échiquiers... S'intéresser à la poésie à la lettre, c'est rencontrer, du IVe siècle jusqu'à nos jours, un ensemble de carrés de signes pour le moins spectaculaires. Éloges de l'empereur, rêves sur la croix, nomenclatures fantasmées... Comme si cette mise au carré de l'écriture laissait percer un idéal : l'avènement d'un ordre, réunissant en une forme parfaite, éternelle, le poème et son inscription graphique.
À l'épreuve, la perfection en tous sens du carré favorise pourtant une étrange propension : à élargir les directions de lecture, d'écriture. On connaît assez les carrés magiques dont les chiffres s'additionnent de toutes les manières. Le carré de lettres, de ce point de vue, peut aussi bien se situer à l'aboutissement d'un affolement du sens et d'une poésie des mots, des signes se recomposant sans cesse. Le carré ? Et pourtant il tourne.
Car il s'agit bien de retrouver les grandes figures régulatrices de la cosmologie, des calendriers ; mais pour les relire, les redistribuer ou plutôt : les remettre en mouvement et en jeu. La poésie, si elle jette sur la feuille de merveilleuses constellations habitables, n'a de cesse de rendre au ciel étoilé ses infinies possibilités de lecture. Peut-être aussi parce qu'elle commence dans la mise en demeure du médium même dans lequel elle est engagée. Qu'elle interroge fondamentalement la découpe des mots, et par la même occasion, du monde, la suspend un instant, lui fait perdre toute évidence.
De Trithème à Tristan Tzara, de Maurice Scève à Jacques Roubaud, de Du Monin à Ghérasim Luca, de Raban Maur à Michèle Métail, courent ainsi des fils qui, de siècles en siècles, dessinent une véritable continuité.
Lire ces auteurs, les confronter avec les philosophes, les kabbalistes ou les linguistes de leurs temps, c'est retrouver le temps long de la poésie comme un de ses horizons inexpugnables : le rêve d'une langue qui bougerait si vite, si constamment, qu'elle continuerait à parler mais sans figer la moindre découpe. Une langue infiniment labile, en perpétuelle restructuration ; un rêve de langue, peut-être, au revers de ce que fait toute langue - mais à même de nous rendre à la relance indéfinie du partage du monde.
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Les mots apparurent. Ils se multiplièrent, crûrent, s'enflèrent.
Certains devinrent gênants pour les uns et/ou pour les autres, pas toujours d'accord sur le sens à leur donner, sur leurs usages et utilités. Ils remplirent le disque dur de l'existence, devinrent parfois étouffants.
Alors un Grand moralisateur décide d'en effacer certains, il créa, pour ce faire, l'effaceur.
La tâche n'est pas sans risque.
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Le littoral, la dernière frontière ; entretien avec Jean-Louis Violeau
Paul Virilio
- Sens et tonka
- 1 Novembre 2013
- 9782845342316
Inspiré par la vision des militaires, Paul Virilio constatait en 1980 que le but recherché par le pouvoir était désormais «moins l'envahissement des territoires, leur occupation, qu'une sorte de résumé du monde, obtenu par l'ubiquité, l'instantanéité de la présence militaire, un pur phénomène de vitesse ». En 2009, il prolongeait :
« depuis plusieurs années, l'extérieur l'emporte partout sur l'intérieur et l'histoire géophysique se retourne tel un gant ».
La situation n'offre aucune prise, la « fin de l'Histoire» masque avant tout une fin de la géographie et de son continuum. L'immédiateté exclut l'étendue. Monde fini, fin de la géographie... mais comment donc reconfigurer l'espace pour calmer les flux ? La passion contemporaine pour l'édification de murs témoigne de cette ambivalence jouant simultanément sur la fermeture et l'ouverture, entre un pouvoir de plus en plus virtuel et de grossières barrières physiques, barricades ou corridors. À l'heure du « village planétaire », pensez donc ! Mais le village n'a-t-il pas toujours été dominé par l'isolement et la surveillance ?
Avec la crise de l'espace réel se profile le risque de l'enfermement des hommes sur une planète désormais réduite à rien. D'où cette irrépressible pulsion littoraliste qui caractérise notre modernité depuis plus d'un siècle et ne fait désormais que s'accentuer.
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Pour reprendre la fameuse formule d'Anacharsis Cloots, «Ni Marat, Ni Roland», la ligne directrice de cet essai sera : «Ni Soboul, Ni Furet». Le pari est fait que le temps est venu de proposer une lecture qui se tienne à l'écart des idéologies qui ont cours, soit l'identification du jacobinisme à une préfiguration du léninisme, soit la glorification de Thermidor. Autrement féconde nous apparaît l'approche de R. Bodei qui, dans La Géométrie des Passions, en confrontant le projet jacobin à Spinoza dévoile une nouvelle constellation dans laquelle le recours à la crainte et à l'espoir, loin de viser à l'asservissement du peuple travaille à sa libération. Aussi cet ouvrage aura-t-il pour ambition de «s'expliquer avec Saint-Just» en faisant de la question politique le lieu critique par excellence ?
L'ouvrage comprend deux volets : l'un consacré à la philosophie politique de Saint-Just, l'autre à l'héroïsme et à sa prégnance dans l'agir révolutionnaire.
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Un vieil écrivain et une jeune artiste peintre ont prévu de regarder ensemble des paysages de Corrèze, près de Treignac, pour en restituer les singularités, avec des mots, avec des dessins. Elle habite là-bas, il réside à Paris.
Sa venue est retardée pendant quelques mois qu'il passe à lui écrire des lettres en réaction à des photographies qu'elle lui envoie. Il entame ainsi une réflexion sur les paysages et le souvenir de ceux qu'il a connus au long de la vie et des voyages, avant de la poursuivre sur place, en tenant le journal de ce qu'il découvre. Elle dessine, de son côté, en continuant son observation de ce qui l'entoure, à Treignac, avec des dessins qui sont autant de notations pensées du paysage. Lettres, journal et dessins sont, à la fin, entremêlés pour dire et décrire, voir et donner à voir des lieux et les émotions qu'ils suscitent... pour partager un sentiment géographique, celui d'un pays et d'un séjour.
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Jean Baudrillard : les paradis artificiels du politique
Jean Baudrillard
- Sens et tonka
- Jean Baudrillard
- 20 Avril 2018
- 9782845342514
Jean Baudrillard dans sa période utopienne a publié et dans la revue et sous volume dans la collection «Les Cahiers d'Utopie» ces trois textes. Globalement il s'agissait du parti communiste français (P.C.F., dit le PC) dans ses rapports avec le gauche socialiste et l'ensemble des partis politiques, le PC, à l'époque, était un diapason qui donnait le la.
Il poursuivra cette pensée dans Au royaume des aveugles (Sens&Tonka, rééd. 2002), mais cette fois-ci avec l'autre extrême, celle d'à droite toute, le FN ; dès 1997 il a saisi que le référent allait être celui-là : De l'exorcisme en politique ou la conjuration des imbéciles, le titre est clair, non ? qu'il complétera par Au royaume des aveugles , c'est-à-dire notre actualité (2017).
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Surréalisme et situationnistes au rendez-vous des avant-gardes
Louis Janover
- Sens et tonka
- 1 Novembre 2013
- 9782845342279
La chronologie n'assigne pas seulement aux avant-gardes leur place dans l'Histoire ; elle les classe d'emblée par ordre d'importance. Il en est de même pour leurs substituts contemporains.
L'Internationale situationniste succède au surréalisme et le mouvement de Debord hérite d'une partie du mouvement de Breton et se déleste de l'autre pour repartir de l'avant. Mais vers quoi ?
La Révolution surréaliste n'avait nul besoin d'affirmer l'unité du « changer la vie » et du « transformer le monde » puisqu'elle en était l'expression. Le surréalisme artistique introduit la division au profit d'un « changer la vie » qui finit par se confondre avec les changements dans l'art. Avec les situationnistes, la volonté d'unité est dépassée par le recours au « tout subversif », à la révolte considérée comme le dernier des Beaux-Arts.
C'est cette part irréductible de la Révolution surréaliste, l'exigence d'une utopie critique et poétique, occultée par les situationnistes, par les héritiers et les historiographes qui est mise ici en lumière et se retrouve alors devant nous : à travers cette promesse d'avenir perce une voix qui entre en résonance avec les questions de notre temps, au rendez-vous des amis, alors que l'Internationale situationniste, qui a dépassé tous les temps, se trouve reléguée loin derrière, au rendez-vous des avant-gardes.
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Ordre et désordres ; une architecture habitée
Simone Kroll, Lucien Kroll
- Sens et tonka
- 31 Octobre 2015
- 9782845342606
« C'est obstinément le même but que mon atelier poursuit, à travers les diverses missions qu'il a pu réaliser : déstabiliser les certitudes qui font les architectes héroïques, démontrer qu'un milieu aimable ne peut se constituer qu'en dehors des schémas d'autorités et que les outils modernes (organisation méthodique, industr ie du bâtiment, informatique, etc.) peuvent être utilisés à produire des milieux diversifiés. » L. K.
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Blobs ; rêves et cauchemars de l'architecture au temps de l'informatique
Collectif
- Sens et tonka
- 3 Mars 2021
- 9782845342859
Ce qu'est le blob ? Une fonction, d'abord, sur les logiciels de modélisation que commencent à utiliser les architectes dans le milieu des années 1990. Puis : le nom que prennent à la même époque les architectures les plus en vue de cette nouvelle ère numérique, étranges bulles ou cocons déformés... Chacun est désormais habitué à ce que l'architecture mute en fonction des technologies nouvelles. Mais le blob, depuis 1958, c'est aussi cette gelée rosacée fondant depuis l'espace sur les citoyens horrifiés de Phoenixville et d'ailleurs. Et de cette calamité, qui faillit emporter Steve McQueen dès ses débuts, tous se souviennent.
Il y a une énigme du blob : pourquoi notre maison nous dévorerait-elle ? Pourquoi une révolution architecturale irait-elle trouver ses modèles dans les films d'horreur de série B? Et un enjeu : penser l'architecture non plus en fonction de schémas techniques simplifiés, mais dans une perspective médiatique, où l'informatique renouvelle les conditions de dessin, de production, mais aussi, et bien plus largement, la sphère sociale elle-même comme l'imaginaire commun. Développer en quelque sorte une psychanalyse des techniques et des matériaux - à même d'interroger, du cocon au monstre, du monstre à la mère retrouvée, la fascination du nouveau médium, les rêves comme les angoisses qu'il porte avec lui, et qui travaillent l'ensemble de la société contemporaine.
Mêlant à plaisir l'architecture, le cinéma, la bande-dessinée, les jeux vidéo, le blob appartient à la mythologie de notre époque. Au côté d'Alien, de Predator ou même des Body Snatchers - que nos architectes aiment à convoquer - il met en scène l'entrée dans un monde synthétique comme le devenir des corps à l'ère de l'utopie médiatique ;
Le songe posthumaniste d'une hybridation informatique et des identités reprogrammables ; l'habitat revu et corrigé par les réseaux, réinventé par la déterritorialisation.
Car c'est bien une géographie que rencontre finalement le monstre, depuis Bilbao jusqu'aux nouvelles mégalopoles chinoises : villes du déclin postindustriel, enclaves touristiques liées comme en archipel, nouvelles capitales créatives de la production délocalisée... Offrant une fiction de communauté au coeur des mobilités et migrations en tous genres, le blob pourrait finalement apparaître comme l'icône parfaite, et terrifiante, de l'espace néolibéral.
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Scopie du pouvoir dans la société francaise : le modèle du télégraphe optique
Yves Stourdzé
- Sens et tonka
- 19 Février 2022
- 9782845343009
Il s'agit de l'histoire d'un nouvel équipement de communication, un peu oublié. Yves Stourdzé expose les tours et détours du pouvoir afin de ne rien perdre de son contrôle sur la société française.
Assurer la puissance de l'État en fabriquant un modèle de représentation aussi fort que la fonctionnalité de la technique, modèle qui aura de beaux jours devant lui et des échos très contemporains. La singularité de sa méthode ressemble à celle d'un archéologue sur un champ de ruines, découvrant pierre après pierre l'objet attendu de ses hypothèses et met à nu sa démarche même de recherche. L'objet de sa recherche, sa motivation essentielle a toujours été la question sans fond du pouvoir et de la domination. C'est ce qu'il traque, dans ses actions, dans le passé, une généalogie qui a pour but d'ouvrir l'avenir. Ces hypothèses font progressivement apparaître l'exercice du pouvoir vis-à-vis de son pays, de celui où nous sommes les habitants. De manière consciente ou inconsciente, le pouvoir modèle le fonctionnel de la nouveauté technique à ce qu'Yves Stourdzé appelle une esthétique des argumentaires.
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Créé à Caen par un groupe d'anciens étudiants, la revue L'Anti-mythes s'est particulièrement intéressée à l'histoire de Socialisme ou barbarie et a organisé des entretiens avec quelques-uns de ses membres qui lui paraissaient avoir été différemment représentatifs de ce mouvement : Cornelius Castoriadis, Claude Lefort, DanielMothé et Henri Simon.
L'Anti-mythes a également publié ce long entretien avec Pierre Clastres, qui, au cours des années, est devenu une référence. À force de reproductions libres le texte original a subi des distorsions étranges et variées. Nous le restituons ici tel qu'il fut donné par P. Clastres à la revue. Son aspect direct, parlé, fut une volonté de P. Clastres qui, pour ne pas l'ébrécher, ne l'a relu qu'une fois publié.
Il ne fit, à notre connaissance, aucune remarque sur sa transcription.
Par sa simplicité d'exposé sans concession sur le fond, l'Entretien avec L'Antimythes constitue une porte d'accès déterminante à l'oeuvre de l'ethnologue.