Lorsque Ferdinand Alquié rassembla ce recueil, il livra en quelque sorte son testament d'historien de la philosophie. Le lecteur y trouvera de précieuses analyses, souvent comparatives, où Alquié envisage le rapport de Descartes à la philosophie, à la religion autant qu'à la science de son siècle, mais aussi un questionnement sur la possibilité d'une lecture cartésienne de la Critique de la raison pure. Pour cette réédition, ont été ajoutés à l'édition de 1983 quelques textes tardifs, dont sa contribution à la querelle de la folie menée par Michel Foucault et Jacques Derrida, et en clôture, les hommages posthumes de Henri Gouhier et Jean-Luc Marion, ainsi qu'une bibliographie primaire et secondaire de son oeuvre.
Dans un portrait, on peut identifier deux moment : d'une part l'intention du peintre de montrer une personne et d'autre part le fait que cette dernière se dévoile au spectateur.
Dans cet opuscule, il ne s'agit non seulement d'aborder une oeuvre poétique en l'envisageant sous un jour philosophique, mais aussi de présenter la pensée d'un homme qui s'est lui-même reconnu et compris comme philosophe. Il en résulte une exposition des multiples aspects de la philosophie de Dante qui, selon ses propres termes, témoigne de la « gracieuse lumière de la raison ».
Le visage qui se dégage alors de cette approche n'est plus uniquement celui d'un poète empreint de savoir philosophique, mais celui d'un auteur qui se donne à voir en tant que philosophe.
La déduction transcendantale des concepts purs de l'entendement n'est pas seulement au coeur de la Critique de la raison pure, mais elle constitue peut-être l'un des textes les plus importants de la philosophie transcendantale en général. Elle tente de résoudre l'aporie suivante : comment connaître les conditions de possibilité de toute connaissance ? Il s'agit ici d'exposer les arguments décisifs de la première et de la deuxième édition du chef d'oeuvre de Kant. L'auteur n'aborde pas le sujet exclusivement sous l'angle d'une exégèse immanente du texte, mais aussi d'un point de vue résolument phénoménologique, compris comme un retour aux choses mêmes. Il saisit en effet l'occasion de mettre en jeu les interprétations de Kant proposées par Heidegger et par Fink et parvient ainsi à relier le travail d'immersion dans le texte kantien à une vue d'ensemble de la chose même à interpréter.
Les études réunies ici témoignent de la découverte de la philosophie analytique par les philosophes français de l'après-guerre : dans les années 1950, Pierre Hadot fut en effet l'un des premiers à s'intéresser aux rapports entre logique et langage dans la pensée de Wittgenstein. Ces études pionnières sont suivies d'une lettre d'Elisabeth Anscombe à Pierre Hadot, et de la traduction d'un texte de Gottfried Gabriel sur la signification de la forme littéraire chez Wittgenstein.
Héritière d'une longue tradition de dévalorisation des activités de travail, la philosophie est plus facilement tentée d'épouser les différentes versions du discours de la « fin du travail » que d'approfondir les différentes formes du retour de la problématique de la centralité du travail. L'histoire de la philosophie ne manque pourtant pas de ressources pour penser l'importance des différents enjeux propres au travail, depuis les problèmes classiques relevant de l'anthropologie philosophique, de la métaphysique ou de l'ontologie, mais aussi de l'éthique, de la théorie de l'action ou de la théorie de la connaissance, jusqu'aux dimensions politiques et sociales. Il s'avère que ces questions, présentes pour certaines dès l'Antiquité, sont restées décisives tout au long de l'histoire de la philosophie, mais qu'elles ont rarement été considérées en tant que telles par les historiens de la philosophie, sans doute parce que le travail restait l'objet de préjugés sociaux dépréciatifs qui le rendaient indigne des enquêtes philosophiques d'ampleur.
Les autrices et auteurs du présent ouvrage se sont proposés de revisiter l'histoire de la philosophie occidentale du point de vue du travail et ainsi d'élever le thème du travail à la dignité philosophique qu'il mérite, si rarement reconnue dans l'histoire de la philosophie. Sans prétention à l'exhaustivité, il s'est agi de rendre manifeste la présence constante du thème du travail, de rendre perceptible le plus grand nombre de ses implications et de faire apparaître la richesse des concepts et des problématiques à travers lesquels il a été pensé - en espérant ainsi contribuer à relancer les recherches philosophiques dans ce domaine.
Avec les contributions de B. Binoche, M. Chapuis, F. Fischbach, K. Genel, J. Giovacchini, J. Goeken, P. Ismard, M. Labbé, A. Merker, P.-M. Morel, F. Porcher, J. Quétier, E. Renault, H. Rizk et H.-Ch. Schmidt am Busch.
Ce cours, qui n'a d'autre ambition que d'introduire à la lecture de Husserl, prend pour fil conducteur la corrélation a priori et universelle entre l'étant transcendant et ses modes subjectifs de donnée. L'évidence naïve selon laquelle le monde est tel qu'il nous apparaît a en effet une portée surprenante : tout étant est essentiellement relatif à des apparitions subjectives et la conscience enveloppe, par là même, un rapport nécessaire à l'étant transcendant. De l'aveu même de Husserl, l'effort de la phénoménologie consiste à élaborer cet a priori, c'est-à-dire à penser l'être de la conscience et de la réalité en tant que, radicalement distincts, ils sont néanmoins relatifs l'un à l'autre. Or, l'élaboration de cet a priori s'expose au risque permanent d'une réification de la conscience, qui procède elle-même d'une caractérisation encore naïve du sens d'être de la réalité : tant que la conscience est pensée sur le modèle de la chose, son pouvoir de faire apparaître l'étant demeure incompréhensible.
On présentera donc l'élaboration progressive de la pensée de Husserl - des Recherches logiques à la phénoménologie transcendantale des Leçons sur le temps et des Idées directrices - comme une tentative continuée de se libérer de toute forme de réalisme. Parce qu'elle est de part en part motivée par le souci d'échapper à la naïveté - ce qui exige d'abord de la reconnaître sous ses formes les plus sophistiquées -, la phénoménologie, telle que Husserl la fonde, apparaît comme l'accomplissement même de l'exigence philosophique.
Ulrich Rudolph retrace de manière concise et claire l'histoire de la philosophie dans le monde islamique.
Sa présentation commence avec le processus des premières traductions gréco-arabes,avant de se concentrer sur les auteurs importants (Avicenne, Averroès, etc.), qui ont été, pour l'essentiel, également lus en Europe. Une analyse des développements ultérieurs dans l'Empire ottoman et en Iran pendant les temps modernes ainsi qu'un état des lieux des tendances actuelles de la philosophie islamique viennent clore cet ouvrage.
En mettant en regard Tolstoï et Nietzsche, Léon Chestov fait se mesurer le « grand écrivain de la terre russe », défenseur de la morale, au « responsable des crimes de la jeune génération » dont les écrits ont inquiété jusqu'en Russie. Le premier a cherché à travers ses grands romans à répandre sa conception du bien. Le second s'est employé à tuer Dieu et à dévoiler les artifices de la morale. Tolstoï n'a-t-il pas cherché, dans Qu'est-ce que l'art ?, à être le bouclier contre cet orage provenant de l'Occident ?
Pourtant, en les confrontant plus précisément sur l'Idée de Bien, Chestov en vient sans le dire à diminuer Tolstoï et à grandir Nietzsche tout en les rassemblant sur plus d'un point. C'est que Tolstoï s'est rendu coupable de se satisfaire de sa vertu, quand Nietzsche en a payé le prix dans sa souffrance. Si Nietzsche a renié sa foi, n'a-t-il pas cherché Dieu ? Jusqu'à cet Übermensch, peut-être, le surhomme dont Chestov semble vouloir croire qu'il est le Dieu nouveau de Nietzsche.
La question du principe a-t-elle encore une actualité aujourd'hui ? Face à la profusion des principes au pluriel - principe de précaution, principe d'indétermination, principe de relativité, etc. -, le présent ouvrage retrace l' histoire thématique de la notion de principe de l'Antiquité à nos jours, en distinguantentre différents sens (cause, fondement, source..., mais aussi axiome, loi, prémisse..., ou encore maxime, norme, règle...) et en interrogeant notamment le rapport entre raison et principe. Il apparaît alors quela recherche du premier principe est une question métaphysique, pour ne pas dire la seule question métaphysique, mais aussi que le principe du tout laisse en effet de plus en plus la place au principede tout, au point qu'on peut même se demander avec Breton si la crise de notre monde n'est pas aussi une crise du principe.
Ce livre est une étude systématique de la philosophie de Bruno Bauer. On y suit l'évolution de la pensée de Bauer, à partir de la pensée sociale et politique qu'il développe en 1840, instaurant une nouvelle façon de philosopher. C'est lui qui lance l'expression de « Jeunes hégéliens » pour qualifier sa voie et celle de ceux qui le suivent, tel Karl Marx, en 1841. L'année 1842, où il est expulsé de l'université, coïncide avec le moment où il dissout l'unité du groupe des Jeunes hégéliens.
« L'ermite de Rixdorf » continuera à publier jusqu'à la fin de sa vie. Sans faire l'impasse sur les textes abjects qui en font l'un des fondateurs de l'antisémitisme, le présent travail se propose de restituer l'unité d'une pensée qui a redonné vie à la philosophie comme critique, critique sociale et politique qui lie directement la pensée à l'action.
Dans son « Mémorial », Pascal oppose le « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob », au « Dieu des philosophes et des savants ».
Mais faut-il dresser l'un contre l'autre le Dieu créateur, pensé à partir de son ouvrage, et le « Dieu d'amour et de consolation » (Pensées, Lafuma 449)? Le Dieu conçu par la raison s'oppose-t-il au Dieu révélé dans la Bible et le Coran? Faut-il les identifier, comme saint Paul, les articuler, comme Augustin, ou les opposer, comme Luther? L'éclairage de spécialistes de l'Antiquité, du Moyen Âge et de l'époque moderne, ainsi que d'historiens des trois religions du Livre, permet d'apporter un éclairage comparatiste sur ces questions.
Le lecteur trouvera ici rassemblés quelques textes qui appartiennent aux années d'apprentissage de leur auteur. La plupart sont consacrés exclusivement à celui qui fut un de ses peu nombreux éducateurs à la pensée : Edmund Husserl. Ils justifient pleinement le titre donné à la collection d'articles : A l'école de la phénoménologie, étant entendu que le titre de phénoménologie s'identifie ici au nom de son second fondateur, après Hegel. Si l'introduction aux Idées directrices, tome I, ainsi que le commentaire accompagnant la traduction de 1950, ne figurent pas dans ce recueil, les Idées directrices, tome II, et surtout les Méditations Cartésiennes, sans oublier la Krisis, sont largement commentées. On a joint deux ou trois essais dans lesquels l'auteur se livre à quelques exercices de caractère plus personnel. Mais ils ont tous été composés à l'école de la phénoménologie husserlienne.
Au sein de l'idéalisme allemand, Hegel et Schelling furent les premiers à déployer une interrogation sur ce qu'est l'histoire dans toutes les dimensions de la question : d'abord en se focalisant sur l'histoire au sens de ce qui a eu lieu, et non sur l'histoire au sens du récit, puis en replaçant la question de l'histoire au sein d'une interrogation plus générale sur le rapport qu'entretient la temporalité historique aux autres formes de temporalité : la temporalité naturelle (physique ou biologique), la temporalité de la conscience (perçue ou vécue), et ce que l'on pourrait appeler temporalité pure ou temporalité logique. L'analyse comparée de ces textes permet alors d'éclairer sous un jour nouveau l'évolution de la pensée de Schelling, l'articulation du système de Hegel et de mieux comprendre le sens de leurs positions philosophiques. Mais elle fait aussi apparaître dans toute sa richesse l'interrogation sur l'historicité et les problèmes qu'elle soulève : peut-on établir des critères d'historicité, distinguant ce qui est historique et ce qui ne l'est pas? La nature est-elle historique? Quelle distinction faut-il faire entre temporalité et historicité? Quel accès avons-nous au temps naturel, et quel statut doit-on lui accorder? Comment comprendre ce qui différencie la préhistoire de l'histoire? Y a-t-il différentes manières d'être historique? L'examen de ces questions permet enfin d'élaborer une compréhension plus fine de la « philosophie de l'histoire » et de voir dans quelle mesure les usages contemporains du terme d'histoire héritent du questionnement idéaliste.
Il se pourrait qu'il n'y ait pas grand chose de commun entre ce que nous nommons philosophie et ce que Platon nomme philosophia. Chez lui, la philosophie n'est encore assurée ni de sa possibilité, ni de sa réalité, ni de sa définition, ni même de son nom, elle l'est seulement, et seulement pour elle-même, de sa nécessité. En s'élevant, déjà, contre une étymologie qui fait de la philosophia un « désir de savoir » ou « un amour de la sagesse » et croit ainsi en avoir assez dit sur elle, Platon explore toutes les implications d'un mot dont il invente le sens « philosophique ». Il s'agit donc, dans ce livre, de faire deux choses en même temps. Il s'attache à déterminer les différents sens donnés par Platon au terme philosophia. Mais voir dans les Dialogues l'expression d'une philosophia prenant conscience de sa puissance a pour condition et pour effet de détourner l'attention du contenu doctrinal vers la manière dont les problèmes sont posés, reposés et repensés.
Les Humanités sont entrées dans une période critique contestant l' autorité du petit nombre de modèles du passé ayant leur place dans un canon. Au nom de quoi ? De la reconnaissance de la diversité des expériences et de son rôle fondamental dans la formation des ci toyens. Mais ce faisant, on oublie parfoisque le canon est, aussi, le produit épuré et pacifi é de différentes autres interprétations possibles d'unedoctrine philosophique. Pour le montrer, Descartes est un cas paradigmatique. En déplaçant la questiondu droit d'entrée dans le canon, vers celle de la généalogie d'une carte d'identité, cet ouvrage expliquele lien entre les premiers autoportraits polémiques de Descartes et sa postérité qui en fait un label : le « dualisme de Descartes ».
Après L'invention du sujet moderne (2014), et La Volonté et l'action (2015), le cours du semestre d'hiver 2016 abordait la question du sujet de la passion pour tester sur la « durée longue », la thèse principale de l'archéologie du sujet, faisant de la christologie le laboratoire ontologique et éthique de l'anthropologie occidentale. En suivant des dossiers aussi différents que la querelle du monothélisme dans l'Antiquité tardive ou celle de l'Eucharistie dans la « prémodernité », on poursuivait un double objectif : arracher la théologie et son histoire à l'enfer des « études subalternes », rapatrier la théologie « grecque » dite « orientale » dans l'histoire de la pensée « européenne » - autrement dit : remettre l'Église au milieu du village, et la Grèce en Europe. La question du sujet de la souffrance du Christ sur la Croix, celle du statut de la douleur dans la stigmatisation de François d'Assise ou les pratiques ascétiques du « mystique » rhénan Henri Suso, ont été l'occasion d'examiner sur une base nouvelle la genèse des notions de contagion et de compassion, censées rendre compte de la possibilité d'un « partage de la souffrance » entre l'homme, les hommes et Dieu, ainsi que les complexes de problèmes déployés depuis les Problemata du Pseudo-Aristote jusqu'à la théorie luthérienne de la communication des idiomes et les controverses christologiques du XVIe siècle (comme le « colloque » de Montbéliard de 1586 opposant luthériens et calvinistes), pour penser ensemble, à partir du couple passion-Passion, dans l'horizon d'une métaphysique de l'Incarnation, l'élaboration croisée - ce qu'on appelle ici le « chiasme » - de la souffrance humaine et de la souffrance de Dieu.
Lire Être et temps : une aventure captivante - et difficile. On se propose ici d'accompagner le lecteur dans cette aventure, et de l'aider, autant qu'il est possible, à lire le texte. Le lire, c'est d'abord s'employer à le déchiffrer : le suivre pas à pas, dans sa littéralité, en éclairer les concepts, en restituer l'économie interne. C'est, ensuite, ne pas hésiter à le questionner : car ces concepts ne vont pas de soi, et moins encore l'économie d'ensemble dans laquelle ils sont pris.
La première partie du maître-livre de Heidegger fait donc ici l'objet d'une approche critique, visant à en mesurer les tensions et à dégager les difficultés qui y restent en suspens. Élémentaire au début, l'analyse s'affinera progressivement, permettant au lecteur d'entrer toujours plus avant dans la problématique.
Il apparaîtra que le principal enjeu est constitué par le concept de monde : tout en étant au coeur de Sein und Zeit, ce concept est le lieu d'un problème qui ne semble pas pouvoir trouver sa solution dans le cadre de l'ontologie fondamentale.
Dans cet ouvrage désormais classique, l'auteur s'est plu à entrelacer la vie et l'oeuvre de Leibniz (1646-1716) pour éclairer l'une par l'autre. Les deux parties de cette initiation, La formation et Le système, tissent les harmonie qui font d'une oeuvre foisonnante et souvent difficile un ensemble éminemment cohérent.
La première partie retrace le parcours mouvementé d'un philosophe pluridisciplinaire et qui prit une part active aux débats scientifiques et politiques de son siècle : on y saisira sa pensée au travail, à travers les événements et les rencontres qui allaient décider de certaines orientations de sa doctrine.
De cette vie surgit ce qui, dans une deuxième partie, sera pleinement exposé comme le système : une introduction claire et accessible aux principaux thèmes de la pensée leibnizienne.
L'ouvrage consacré par Émile Bréhier est à tous égards un classique : il trouve son premier point de départ dans un cours donné à la Sorbonne dans l'hiver 1921-1922.
Comme le soulignait l'auteur, avec une certaine coquetterie, on n'y trouvera pas un exposé complet de toute la philosophie de Plotin : " Des questions importantes y ont été omises ; ce sont celles qui concernent le monde sensible, la nature, la matière, le mal dans ses rapports avec la matière ".
L'auteur a en effet porté principalement son attention sur l'Intelligible , l'un, l'Intelligence, l'Âme, mais comme il le souligne dès son introduction, la réalité intelligible chez Plotin garde toujours un caractère sensuel : " la contemplation de l'intelligible est sur la même ligne que la contemplation du sensible ; elle la continue directement sans passer du tout par l'intermédiaire d'idées logiquement enchaînées.
Ce que l'expression est au visage, la réalité intelligible tout entière l'est à l'ensemble du monde sensible ; cette réalité est comme la physionomie de l'univers, l'expression du visage qu'il montre à nos sens ".
En cherchant à dégager le problème fondamental de la philosophie de Plotin, cet ouvrage d'introduction aura contribué à en faire apparaître l'arrière-plan religieux et jusqu'à l'orientalisme, et parfaitement réussi à caractériser l'originalité de cet idéalisme que Hegel avait qualifié d'élevé.
« Je n'ai pas voulu cela. » La phrase de Guillaume II reprise par Karl Kraus dans Les Derniers jours de l'humanité sert de fil conducteur à une archéologie du sujet de l'action, entendu comme sujet d'un libre « usage » (khrêsis) du vouloir et du faire. Le fond du débat est d'ordre logique. Il passe par une distinction entre volonté (voluntas) et nolonté (noluntas), vouloir faire (velle facere), ne pas vouloir faire (non velle facere) et vouloir ne pas faire (nolle facere) dont l'histoire est retracée d'Anselme de Cantorbéry à Roderick Chisholm. Tout est mobilisé pour faire comprendre comment c'est en théologie que s'est nouée la question philosophique du rapport entre vouloir, nouloir et principe de non-contradiction. Deux modèles, en effet, s'affrontent depuis que la tradition chrétienne a élaboré les bases logiques de la théorie de la volonté et de l'action : le modèle aristotélicien et le modèle augustinien. Pour le reste : Spectemur agendo !
« Voyez-nous faire ! » Nos actes sont nos juges. Une réponse à toutes les dénégations.
Cours du Collège de France 2015.
« L'analyse du temps est le plus difficile de tous les problèmes phénoménologiques » dit Husserl. Au fil conducteur de la perception d'un objet-temporel dont toute mélodie offre l'exemple, il s'agit de décrire les vécus par lesquels se constituent, c'est-à-dire prennent sens, les différences entre présent, passé, avenir, la conscience du temps perçu et du même coup le temps de la conscience percevante.
Et puisque tout vécu est lui-même un objet-temporel, la phénoménologie de la conscience intime du temps est la phénoménologie de l'être le plus originaire et le plus propre, la seule phénoménologie de la phénoménologie.
Platon et Kant ont en commun de figurer parmi les grands noms du panthéon philosophique. L'extraordinaire influence qu'ils ont exercée sur l'histoire de la philosophie les rapproche évidemment l'un de l'autre, mais pas seulement, car leurs philosophies respectives, par-delà les siècles et malgré les différences de style et de contexte, dialoguent. Kant a consacré de nombreuses réflexions à Platon et toujours sur des points philosophiquement déterminants. Il reconnait parfois une dette à son égard, quand par exemple il défend le concept d'Idée dans la Dialectique transcendantale. Le plus souvent, il le critique, quand il lui reproche son mépris du sensible ou son exaltation (sa Schwärmerei). Pour Kant, Platon est donc à un interlocuteur dont il restitue la position pour mieux la rejeter et spécifier la sienne.
« Comprendre un philosophe mieux qu'il ne s'est compris lui-même ». Ce principe célèbre, Kant le formule à l'occasion d'une remarque consacrée à Platon, et c'est à lui qu'il l'applique. C'est aussi le pari que fait cet ouvrage, qui examine l'usage que Kant fait de Platon, distinguant les vraies trouvailles des mauvais procès, mais qui s'intéresse surtout aux parentés conceptuelles qui lient leurs philosophies et qui font qu'elles se répondent sans nécessairement le savoir. Il s'agit donc de lire Platon avec Kant et Kant avec Platon, mais aussi de les lire à la lumière l'un de l'autre, en montrant ce qu'une telle lumière éclaire des angles inédits, des coins d'ombre et des lignes de fuite infinies qui naissent du rapprochement de ces deux figures monumentales de la philosophie.
Ont collaboré à ce volume : J. Benoist, P.J. Brunel, F. Calori, T. Dangel, S. Delcomminette, D. El Murr, F. Fronterotta, L. Guerpillon, C.M. Korsgaard et E. Partene.
« Nous avons déjà devant nous une soi-disant science, qui a été construite sur cette seule proposition : je pense »... Depuis longtemps, la psychologie rationnelle est plutôt derrière nous que devant : car lorsqu'il dresse ce constat, Kant est sur le point d'en rendre l'édifice définitivement obsolète. Pourtant, il l'achève aussi en ce sens qu'il lui donne sa forme aboutie, celle des quatre paralogismes de la raison pure. Il s'inscrit ainsi dans l'histoire qu'il recouvre et qui prit naissance chez Wolff, lorsqu'une conception réflexive du je pense fut tenue pour donatrice d'objet. S'inaugurait alors une tradition attachée tout au long du XVIIIe siècle à perfectionner la connaissance de l'âme. Elle se diffusa de manière méconnue jusque dans l'empirisme, qui, plutôt que de la réfuter, l'endossa pour mieux la subvertir.