Face aux progrès des biosciences, au développement des biotechnologies, au déchiffrement du génome, le philosophe ne peut plus se contenter des déplorations sur l'homme dominé par la technique. Les réalités sont là, qui exigent de lui qu'il les pense à bras-le-corps.Désormais, la réponse que l'éthique occidentale apportait à la vieille question «Quelle vie faut-il mener?»:«pouvoir être soi-même», est remise en cause. Ce qui était jusqu'ici «donné» comme nature organique par la reproduction sexuée et pouvait être éventuellement «cultivé» par l'individu au cours de son existence est, en effet, l'objet potentiel de programmation et de manipulation intentionnelles de la part d'autres personnes.Cette possibilité, nouvelle à tous les plans:ontologique, anthropologique, philosophique, politique, qui nous est donnée d'intervenir sur le génome humain, voulons-nous la considérer comme un accroissement de liberté qui requiert d'être réglementé, ou comme une autorisation que l'on s'octroie de procéder à des transformations préférentielles qui n'exigent aucune autolimitation?Trancher cette question fondamentale en la seule faveur de la première solution permet alors de débattre des limites dans lesquelles contenir un eugénisme négatif, visant sans ambiguïté à épargner le développement de certaines malformations graves. Et de préserver par là même la compréhension moderne de la liberté.
Depuis que Hegel a voulu réconcilier la raison avec le réel (son célèbre «le réel est rationnel»), depuis que le Réel a charrié - voire pour certains, ne se définit que par - les massacres de masse, les génocides et les camps, nombre de philosophes ont dénoncé les Lumières et Hegel, les droits de l'individu et le salut par l'Histoire.
Jürgen Habermas entreprend ici une histoire des discours critiques que l'époque moderne n'a cessé de tenir sur elle-même. Notamment, les trois réactions à l'entreprise hégélienne : celle de gauche (la philosophie de Marx exaltant la praxis), celle de droite (libérale-conservatrice) et la «postmoderne». À Heidegger, Bataille, Foucault, Derrida, tous encore obnubilés par le sujet et la raison instrumentale, Habermas oppose une pensée «postmétaphysique».
Parcours, c'est en deux volumes une trentaine de textes de Jürgen Habermas, inédits pour la plupart, devenus introuvables en langue française pour les autres. Ils balisent l'évolution d'un des derniers philosophes contemporains de stature mondiale.
Le premier volume permet de comprendre comment Habermas, ancré dans la théorie critique de l'École de Francfort, justifie, dans le prolongement de sa Théorie de l'agir communicationnel, la nécessité de passer d'une théorie de la conscience à une théorie du langage. À l'heure de la philosophie postmétaphysique, cette ouverture au langage fait de l'activité communicationnelle le fondement de la société : elle est ce qui permet la compréhension intersubjective, seule à même de définir pour le monde vécu les normes sociales, les valeurs éthiques et les procédures de la politique délibérative.
Le tome deuxième élargit encore cette réflexion au thème des conditions de possibilité de la souveraineté populaire, à l'heure de la constitution de l'Europe, mais aussi de la revitalisation politique de la religion.
Le lecteur dispose avec cet ouvrage des clefs nécessaires à la compréhension d'une pensée essentielle de notre siècle.
Traduit de l'allemand par Christian Bouchindhomme, Frédéric Joly et Valéry Pratt.
Parcours, c'est en deux volumes une trentaine de textes de Jürgen Habermas, inédits pour la plupart, devenus introuvables en langue française pour les autres. Ils balisent l'évolution d'un des derniers philosophes contemporains de stature mondiale.
Le premier volume permet de comprendre comment Habermas, ancré dans la théorie critique de l'École de Francfort, justifie, dans le prolongement de sa Théorie de l'agir communicationnel, la nécessité de passer d'une théorie de la conscience à une théorie du langage. À l'heure de la philosophie postmétaphysique, cette ouverture au langage fait de l'activité communicationnelle le fondement de la société : elle est ce qui permet la compréhension intersubjective, seule à même de définir pour le monde vécu les normes sociales, les valeurs éthiques et les procédures de la politique délibérative.
Le tome deuxième élargit encore cette réflexion au thème des conditions de possibilité de la souveraineté populaire, à l'heure de la constitution de l'Europe, mais aussi de la revitalisation politique de la religion.
Le lecteur dispose avec cet ouvrage des clefs nécessaires à la compréhension d'une pensée essentielle de notre siècle.
Traduit de l'allemand par Christian Bouchindhomme, Frédéric Joly et Valéry Pratt. Édition de Christian Bouchindhomme.
Penseur de l'espace public comme de l'écart dans l'Etat de droit démocratique entre les normes et les faits, analyste aigu de la science comme idéologie et des menaces que les développements de la neurologie et des biotechnologies font peser sur l'avenir de la nature humaine, mais aussi inventeur de la citoyenneté cosmopolitique dans l'égalité des cultures et philosophe des limites du libéralisme postmoderne, Jürgen Habermas repère d'emblée les défis que la démocratie doit sans cesse relever. Dans le monde d'aujourd'hui, face à la résurgence de la religion, quelles sont les tâches nouvelles de la pensée sécularisée ? Le fondamentalisme est souvent présenté comme la conséquence à long terme des violences de la colonisation et des faillites de la décolonisation. Une modernisation capitaliste imposée de l'extérieur dans des circonstances défavorables génère l'insécurité sociale et le rejet culturel. Mais comment expliquer alors la revitalisation politique de la religion aux Etats-Unis, dans un contexte où la dynamique de modernisation a connu des plus grands succès ? Les pays européens ont aboli la peine de mort, ils libéralisent l'avortement, reconnaissent l'égalité de droit à toutes les orientations sexuelles, donnent un statut aux unions homosexuelles, rejettent inconditionnellement la torture et, d'une manière générale, privilégient les droits sur les biens collectifs. En d'autres termes, ils placent l'homme dans son monde et non plus sous une transcendance religieuse. Ils paraissent désormais avancer seuls sur la voie que, depuis les révolutions constitutionnelles de la fin du XVIIIe siècle, ils avaient tracée et parcourue main dans la main avec les Etats-Unis. L'importance politique des religions n'ayant cessé de croître et de s'imposer entre-temps, l'Europe, rivée sur la séparation posée par Kant entre le savoir et la foi, semble se couper aujourd'hui du reste du monde. En termes d'histoire universelle, le rationalisme occidental de Max Weber devrait-il être dorénavant tenu pour une voie d'exception ?
L'Union européenne est-elle désormais contre la démocratie? Avec l'épisode du référendum grec et l'effroi qui saisit tous les dirigeants de voir un peuple, auquel on avait imposé une cure problématique, entrer en résistance, la crise de la dette a révélé le déficit démocratique des institutions européennes. Jürgen Habermas nous alerte sur les risques que prend l'Europe à s'engager dans une voie «postdémocratique» pour régler la question de la dette des pays de la zone euro. L'union monétaire européenne ne disposant pas d'un contrôle supranational à sa mesure, les dirigeants allemand et français veulent une collaboration intergouvernementale renforcée. Le Conseil européen doit s'employer à la mettre en place. Ce changement en apparence minimal devrait se traduire par une perte progressive de contrôle des Parlements nationaux sur les lois de finances; cette réforme insidieuse asphyxierait petit à petit le poumon de la démocratie à l'échelle nationale, sans que cette perte soit compensée au niveau européen. Le processus grec ouvre-t-il le passage d'une Europe de gouvernement à une Europe de la «gouvernance» - joli euphémisme pour désigner une forme dure de domination politique, qui ne repose que sur le fondement faiblement légitimé des traités internationaux? La «démocratie d'un seul pays» n'est plus à même de se défendre contre les injonctions d'un capitalisme forcené, qui franchissent, elles, les frontières nationales. Il faut avancer vers et dans la constitution de l'Europe, pour que les peuples regagnent des latitudes d'action au niveau supranational, sans pour autant sacrifier la démocratie. La crise de l'Europe des gouvernements doit conduire à la constitution d'une Europe des peuples. Telle est la conviction de Jürgen Habermas dans ce petit traité de démocratie, vif, tonique et constructif.
Droit et démocratie est une oeuvre majeure.Nul, plus que Jürgen Habermas, n'a pensé les impasses de la modernité. Alors que la Raison a cessé d'avoir son siège dans l'Histoire - notre siècle l'a prouvé, avec son cortège de violences, de guerres et de génocides -, l'État de droit, qui devrait en être l'incarnation, s'est trouvé écartelé entre ses normes et les faits, soumis, par les impératifs économiques et politiques, à une instrumentalisation fonctionnelle croissante.Au terme d'un siècle de déraison, la modernité, consciente de ses contingences, ne peut se passer d'une raison procédurale, ni d'une raison qui mette en oeuvre sa propre critique. Habermas s'est attelé à refonder la philosophie de la raison, c'est-à-dire la critique de la domination et la théorie de l'émancipation. Il pose l'activité communicationnelle comme originairement constitutive de la société : permettant la compréhension intersubjective grâce à laquelle sont précisés, définis des normes sociales, des valeurs, des rôles nécessaires à toute communauté, elle est ce sans quoi il n'y aurait pas même de société possible.Les questions du droit et de la démocratie dès lors deviennent centrales : il s'agit de penser l'écart existant entre les théories sociologiques du droit et les théories philosophiques de la justice, de redéfinir le rapport entre morale et droit, de préciser le concept normatif de politique délibérative, de fonder un nouveau paradigme du droit par-delà ceux, épuisés, du libéralisme et de l'État providence.Face aux défis que le droit et la démocratie doivent relever - de la limitation écologique de la croissance économique à la disparité croissante des conditions de vie entre le Nord et le Sud, de la liquidation du socialisme d'État à la prise en compte des flux migratoires internationaux, de la limitation de souverainetés nationales à la recrudescence des guerres ethniques et religieuses -, il y a urgence à revivifier ce que l'État de droit démocratique peut avoir de radical, à défendre sa ressource véritablement menacée : une solidarité sociale, assurément garantie par les structures juridiques, mais qui constamment doit être régénérée.«Dans les conditions d'une politique parfaitement sécularisée, l'État de droit ne peut être ni réalisé ni maintenu sans démocratie radicale. Faire de ce pressentiment une connaissance, tel est le but de l'étude que je présente ici.»
Après les bouleversements des années 1990, le monde se recompose. Mais les transitions, qu?on annonçait faciles, se révèlent laborieuses, malaisées et, dans certains cas, porteuses de menaces plus que de promesses.
Présentée comme le triomphe de la démocratie sur le totalitarisme, la victoire du monde occidental n?a été contestée ni dans son effectivité, ni dans sa légitimité. Mais, on le sait, plus une légitimité est forte, et plus elle suscite des attentes qui ne souffrent pas d?être déçues ; or, il semblerait qu?on ait pris le parti d?y répondre dans la seule langue du marché.
A l?échelle européenne, sans que l?on puisse parler d?échec, la réunification allemande n?est pas aussi facile à réaliser que certains l?avaient cru, et il n?est pas impossible que l?Union européenne ait, elle aussi, à souffrir d?avoir sous-estimé, en s?élargissant, l?insolubilité de l?histoire dans l?économie notamment si elle tarde (ou, pire, si elle échoue) à se doter des moyens de son intégration politique.
Par ailleurs, à l?échelle mondiale, on sait depuis le 11 septembre 2001 que la globalisation sans frein du marché et l?hégémonisme arrogant de l?Occident engendrent bien plus que des résistances.
Tels sont les principaux thèmes abordés par ces écrits politiques, rédigés entre 1998 et 2003. Autant de plaidoyers en faveur d?une politique animée par les principes de justice et de démocratie.
On trouvera, en outre, dans ce recueil les textes qui furent à l?origine de la réflexion récente de Jürgen Habermas sur les problèmes de la médecine reproductive face à l?individualisme marchand.