L'exil a duré dix ans. Norman Manea revient dans sa Roumanie natale où le communisme s'est effondré, mais où rien n'a vraiment changé. Entre réalité et fiction, le souvenir affleure : sa mère est morte, le communisme s'est effondré et les fantômes du passé voilent son regard. Reste la douleur lancinante d'avoir fui sa patrie véritable : sa langue maternelle.
Les poèmes de ce volume ont été écrits entre 1917 et 1923 - date du départ de Fundoianu pour la France, à l'âge de 24 ans - et publiés de 1920 à 1930 dans différentes revues rou- maines. C'est donc de Paris que le poète compose son recueil, en effectuant un choix parmi de nombreux textes. On trouve dans Poèmes d'autrefois (Le temps qu'il fait, 2010) un certain nombre de « paysages » d'inspiration similaire.
Cette poésie n'est traditionnelle qu'en apparence ; les paysages, où la nature semble toute-puissante, sont minés de l'intérieur par une mélancolie, un désenchantement qui ne s'affirmeront pleinement que plus tard, dans les oeuvres à venir. Dans la singulière introduction que Fondane donne en 1929 au recueil de Fundoianu, le poète explique :
« En ce temps-là, j'étais nu et ne me savais pas nu » ; la poésie a révélé son impuissance à concurrencer le monde réel, ses laideurs et ses turpitudes. Mais il poursuit cependant :
« La poésie n'est pas une fonction sociale mais une force obscure qui précède l'homme et qui le suit. » Dans les vers de Fundoianu, que le Fondane de 1929 semble renier, percent les accents si justes et profondément humains du Mal des fantômes.
Ce recueil rassemble des poèmes écrits en roumain par le jeune Fondane entre 1917 et 1923, manifestement inspirés par sa lecture de la Bible et des Psaumes et qui illustrent bien son idéal de jeunesse de donner une " justification esthétique de l'Univers ".
Cet ensemble est suivi d'un long poème dramatique, également demeuré inédit en français : Le reniement de Pierre.
Dans la " grande aventure des pages ", l'auteur trouve des parentés plus significatives que dans la vie. Il nous entraîne dans les oeuvres de Kafka (d'où le titre : La Cinquième Impossibilité, allusion aux quatre impossibilités d'écrire énoncées par Kafka), Sabato, ou bien Paul Celan et Benjamin Fondane, dans un dialogue imaginaire en contrepoint du Dialogue dans la montagne ; il évoque son amitié avec Philip Roth et Saul Bellow, Claudio Magris et Antonio Tabucchi, à travers leurs oeuvres; il convoque, inévitablement, les grands Roumains de la diaspora que sont Ionesco et Cioran - qui a expérimenté comme lui l'exil et l'exil lié à l'écriture.
Ce recueil compose une trajectoire, de Berlin, premier lieu de l'exil, à New York, "capitale dada", où l'errant a échoué voici plus de 20 ans. Mais la " maison de l'escargot ", son refuge, son ancrage, c'est sa langue, le roumain, que l'écrivain emporte avec lui comme l'escargot sa coquille.
L'idylle de Daphnis et Chloé dans l'île de Lesbos, réécrite en quatre épisodes lumineux, incandescents, d'un lyrisme exacerbé, constitue le point d'ancrage, le vrai centre de gravité de ce roman foisonnant.
En contrepoint, ou plutôt en creux, à l'autre pôle, le lecteur découvre des tranches de vie appartenant à la Roumanie déliquescente des années 80 : les crises sentimentales, saisies sur le vif, se répondant d'un chapitre à l'autre, de divers personnages qui se rencontrent, s'aiment, se déchirent, souffrent puis doivent assister, impuissants, à l'agonie de leur passion et s'enfoncer toujours plus dans un quotidien grisâtre et vide.
Le couple mythique de Daphnis et Chloé n'est-il pas le couple idéal, cette fusion absolue à laquelle nous aspirons ? Ces mondes parallèles sont condamnés à ne pas se rejoindre : nous pouvons rêver à un paradis, mais il nous demeure à jamais inaccessible. Voilà un roman modulant sur tous les registres le jaillissement et la mort de l'amour, tout en mettant en scène sa propre écriture, sa propre construction et en pleine création et en pleine réflexion créatrice.
Tous les textes contenus dans ce livre ont paru au préalable dans des périodiques roumains durant les années 1920 et 1921.
Quatre-vingts ans plus tard, ces textes sont devenus enfin accessibles au lecteur français que visait Fondane. L'on pourrait avoir la sensation que, traduit en français, ce livre abandonne un masque pour conquérir son vrai visage... Quels auteurs Fondane a-t-il choisi de présenter à ses lecteurs, leur reconnaît-on un dénominateur commun ? A première vue, il s'agirait d'un ouvrage regroupant les auteurs de la fin-de-siècle en France : Baudelaire, Mallarmé, Huysmans, Gourmont, de Gaultier, Maurras, Gide, Jammes, Maeterlinck, Verhaeren, mais aussi Proust.
En somme, il nous livre la quintessence de ce qui fermente en lui durant ces années-là. Réflexions sur la poésie, le théâtre, la critique, le roman. Ces auteurs sont ceux dont il se nourrit, qui finiront par se mêler à sa propre substance, même s'il reniera certains d'entre eux ou s'en écartera plus tard.