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À partir de situations vécues, audiovisuelles ou fictives, François
Bégaudeau analyse les affects de la société bourgeoise, non dans
le but de salir ou de ridiculiser, mais pour tenter de saisir les
idées obscures qui traversent les individus, les ressorts potentiels
de leurs actions, tout ce qui échappe à leur contrôle et constitue
leur part proprement sociale. -
En 1978, Monique Wittig clôt sa conférence sur « La Pensée straight » par ces mots : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes. » L'onde de choc provoquée par cet énoncé n'en finit pas de se faire ressentir, aujourd'hui encore, dans la théorie féministe et au-delà. En analysant l'aspect fondateur de la « naturalité » supposée de l'hétérosexualité au sein de nos structures de pensées, que ce soit par exemple dans l'anthropologie structurale ou la psychanalyse, Monique Wittig met au jour le fait que l'hétérosexualité n'est ni naturelle, ni un donné : l'hétérosexualité est un régime politique. Il importe donc, pour instaurer la lutte des « classes », de dépasser les catégories « hommes »/ « femmes », catégories normatives et aliénantes. Dans ces conditions, le fait d'être lesbienne, c'est-à-dire hors-la-loi de la structure hétérosexuelle, aussi bien sociale que conceptuelle, est comme une brèche, une fissure permettant enfin de penser ce qui est « toujours déjà là ».
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Catalyseur des pires maux de l'époque, la construction du « problème musulman » affecte l'ensemble de la société française. Hamza Esmili déconstruit dans ce livre les discours constitutifs de cet engrenage qui portent sur le fait musulman dans les quartiers populaires. Du postulat d'extranéité à la société française au paradigme contemporain du séparatisme et la production discursive qui l'accompagne, en passant par les dispositifs de lutte contre la radicalisation et leur adossement à la définition de la menace terroriste, il propose une analyse fouillée des modes successifs d'appréhension de la pratique islamique parmi l'immigration postcoloniale et au sein des foyers de marginalité urbaine.
Après avoir mis en rapport la variété des discours savants et profanes quant à l'islam en France avec les évolutions parallèles de la politique gouvernementale à l'égard des musulman·e·s - des « banlieues de l'islam » des années 1980 aux « territoires conquis de l'islamisme » des années 2020 - l'ouvrage décrit la réalité historique et sociologique d'une forme de réaffiliation religieuse parmi les immigrés et leurs enfants. S'appuyant à la fois sur la sociologie de l'immigration et l'anthropologie de l'islam, il interroge la genèse et les formes prises par une piété redécouverte en cité. Cela conduit notamment Hamza Esmili à montrer que cette réaffiliation religieuse n'est ni un résidu éphémère au procès d'intégration, ni un persistant atavisme civilisationnel, mais qu'il s'agit d'un phénomène inscrit dans la matérialité d'une expérience ouvrière et postcoloniale collective. -
Provincialiser l'Europe ; la pensée postcoloniale et la difference historique
Dipesh Chakrabarty
- Amsterdam
- Poche
- 5 Mars 2025
- 9782354803124
L'Europe n'est plus le centre du monde. Pourtant, les catégories de pensée et les concepts politiques occidentaux continuent de régir les discours produits sur les mondes non occidentaux, perpétuant l'idée selon laquelle l'histoire de l'ensemble des sociétés humaines devrait être lue au prisme de l'évolution de ce continent. Or le capitalisme n'a pas réussi à unifier l'humanité. S'il s'est mondialisé, il ne s'est pas universalisé. D'où la nécessité de provincialiser l'Europe, autrement dit de reconnaître que l'appareil scientifique occidental ne suffit pas à comprendre nombre d'éléments des sociétés et des cultures des pays du Sud.
Dipesh Chakrabarty montre dans ce classique de la pensée postcoloniale que le temps historique est pluriel, que les sociétés participent de temporalités hétérogènes constitutives d'une multiplicité irréductible de manières d'être au monde. Ce faisant, il invite à penser la diversité des formes que peut prendre la modernité politique ainsi que des futurs qui se construisent aujourd'hui. -
La haine des fonctionnaires
Julie Gervais, Claire Lemercier, Willy Pelletier
- Amsterdam
- 6 Septembre 2024
- 9782354802943
Pourquoi si peu d'insultes envers les actionnaires, les employeurs ou les pollueurs, et autant contre celles et ceux qui servent le public en toute égalité ? Fonctionnaires = feignasses = pas rentables = emmerdeurs = protégés = profiteurs = archaïques = inutiles = à compresser ! D'où vient l'incroyable puissance d'évidence d'une telle équation ? Et qui sert-elle ? Pourquoi certains (hauts) fonctionnaires sont-ils parmi ceux qui la répètent le plus ? Ce livre, à l'écriture vive, fournit des arguments en partant d'idées reçues (non, sous-traiter au privé ne fait pas faire d'économies) et de scènes de la vie quotidienne : l'attente interminable, la dématérialisation incompréhensible, le fonctionnaire « laxiste » ou « borné », etc. Appuyé sur de nombreuses recherches, il leur oppose le dévoilement de réalité vécue par des agents de ménage, ouvriers des voieries, secrétaires de mairies, des psychiatres, des gardiens de prison, et les autres. Pour en faire des outils de lutte pour la défense des services publics. Il s'adresse aux fonctionnaires moqués en manque de réplique, aux militants syndicaux et associatifs qui oeuvrent à les défendre, aux étudiants qui veulent comprendre comment le dénigrement des fonctionnaires sert la détérioration des services publics, aux usagers qui souffrent de leur disparition et, plus largement, à tous celles et ceux qui, fatigués d'être montés contre leurs alliés et leurs semblables, veulent ne plus se tromper de cibles et porter la riposte.
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RILI : quartiers populaires : défaire le mythe du ghetto
Gilbert Pierre
- Amsterdam
- Rili
- 4 Octobre 2024
- 9782354802974
Au sommet d'une colline s'élèvent d'imposants bâtiments rectilignes, bordés d'un côté par des champs et, de l'autre, par des pavillons. Le paysage des cités charrie tout un imaginaire. Elles sont, depuis plusieurs décennies, le support d'une profusion de fantasmes. Après avoir symbolisé le confort moderne et le progrès social de l'après-guerre, leur image s'est rapidement dégradée. On a d'abord dénoncé les cages à lapin et la sarcellite ; plus récemment, on a fustigé des ghettos, des territoires perdus gangrenés par le séparatisme.
Pour combattre ces fausses évidences, qui renforcent la stigmatisation des minorités racisées et des fractions précaires des classes populaires, Pierre Gilbert rétablit ici la réalité des faits. S'appuyant sur une synthèse inédite des travaux en sciences sociales, il met en évidence les formes de ségrégation subies par ces quartiers, expose leurs particularités sur le plan des styles de vie, des relations sociales, du rapport à l'État, de l'emploi, des normes de genre, des aspirations. Et produit ce constat spectaculaire : les cités sont des lieux banals, et leurs habitants très semblables au reste des classes populaires. -
Depuis quelques années, le féminisme connaît un nouvel essor, en France et dans le monde occidental, mais aussi partout ailleurs, particulièrement en Amérique latine. Ce petit livre a pour ambition de faire le point sur la diversité des luttes et réflexions actuelles. Il fait l'hypothèse qu'une « quatrième vague » du féminisme a commencé. Il propose tout d'abord un parcours politique et intellectuel à travers l'histoire trop méconnue des trois premières vagues, dont il détaille les grands courants, les lignes de force, les lignes de clivage et les points aveugles : ce souci pédagogique est une de ses premières vertus, surtout à une époque où l'on réduit parfois uniformément la deuxième vague à un féminisme « blanc », « bourgeois » ou « d'État ».
L'autrice insiste sur les enjeux et les points de division du mouvement aujourd'hui (les femmes musulmanes, le travail sexuel et les personnes trans, notamment) et défend un féminisme axé sur la « reproduction sociale », sur la relation entre oppression de genre et perpétuation du système capitaliste.
S'inscrivant dans les pas de Lise Vogel et Silvia Federici, elle jette un pont entre le féminisme matérialiste ou marxiste des années 1970 et les luttes et travaux les plus contemporains.
Les lectrices et lecteurs trouveront dans ce livre un précieux guide pour s'orienter dans l'histoire et l'actualité du féminisme.
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La norme gynécologique : ce que la médecine fait au corps des femmes
Aurore Koechlin
- Amsterdam
- 16 Septembre 2022
- 9782354802530
Parmi les spécialités traitant de la santé des femmes, la gynécologie occupe une place à part : à la différence de l'obstétrique ou de la chirurgie gynécologique, elle ne porte pas sur un moment particulier de la vie corporelle, la maladie, la grossesse ou l'accouchement, mais consiste à suivre les patientes sans justification médicale apparente de la puberté jusqu'à la mort. Elle repose donc sur l'idée que les femmes nécessitent un suivi spécifique et régulier.
Ce livre se donne pour but de défaire cette évidence : pourquoi les femmes doivent-elles consulter un gynécologue une fois par an ? Cette injonction, qui n'a bien sûr pas d'équivalent pour les hommes (il n'existe pas d'« andrologie »), correspond à ce qu'Aurore Koechlin appelle la « norme gynécologique ».
Pour l'étudier, elle a choisi de mener une enquête ethnographique au long cours, sur plusieurs terrains, auprès de praticien·ne·s et de patientes. Ainsi, elle interroge en féministe, au plus près de l'expérience, la nécessité du suivi gynécologique, la manière dont les femmes le vivent et la curieuse pathologisation du corps féminin qu'il implique. Elle retrace les étapes de la « carrière gynécologique », identifie ses effets, notamment psychiques, examine les relations médecins/patientes et l'inégale qualité des soins prodigués selon la classe et la race, et, enfin, s'intéresse aux résistances, partielles ou totales, à cette norme gynécologique, qui prennent par exemple la forme de l'auto-gynécologie. -
Le travail est l'objet de nombreux fantasmes. Certains annoncent sa quasi-disparition prochaine, sous l'effet des transformations technologiques. D'autres se contentent de prophétiser la disparition du salariat, que ce soit pour la célébrer ou la déplorer. Pendant ce temps, le secteur de l'intelligence artificielle recrute des micro-travailleurs de l'ombre par millions. Les ouvriers de la logistique travaillent soixante heures par semaine et parcourent à pied jusqu'à 30 km par jour. Et les nouveaux secteurs d'activités sont le lieu de conflits sociaux inédits.
Démontant les discours des futurologues, Juan Sebastian Carbonell montre dans cet ouvrage que le travail conserve une place centrale dans nos sociétés, que cette activité continue de jouer un rôle d'intégration majeur et d'être le principal ressort de la reproduction sociale. Contre la mise en avant d'une « crise du travail » qui permet d'affirmer qu'il n'existe plus de sujets politiques collectifs, contre le renoncement concomitant que constitue l'idée d'un revenu universel, il dessine une perspective révolutionnaire articulée autour de deux objectifs : libérer la vie du travail et libérer le travail de la domination du capital.
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Figure précurseuse de l'étude des masculinités, Raewyn Connell a mis au jour l'existence, au sein de l'ordre de genre, d'une masculinité hégémonique qui vise à assurer la perpétuation de la domination des hommes sur les femmes, tout en étant sans cesse mise à l'épreuve dans le vécu des hommes. À l'heure où les mouvements masculinistes agitent l'épouvantail d'une « crise de la virilité » pour masquer le refus des hommes de voir s'effacer leurs privilèges, cet ouvrage présente une cartographie nuancée des différentes manières d'endosser une identité masculine. Articulant théorie et récits de vie, il offre de précieux outils pour penser les rapports sociaux de sexe et nourrir la critique du patriarcat.
Contre la victimisation des hommes et, plus généralement, contre toute vision essentialiste des rôles sexués, les analyses des dynamiques de genre qui s'établissent du côté du masculin formulées par Connell éclairent les impensés contemporains du féminisme et remettent en cause les conceptions simplistes du genre. Ses réflexions sur les pratiques constitutives de la matérialité du corps des hommes et des enjeux d'incarnation qui s'y nouent représentent une contribution décisive aux études de genre.
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Antisémitisme et islamophobie. une histoire croisée
Reza Zia-ebrahimi
- Amsterdam
- Contreparties
- 20 Août 2021
- 9782354802219
En France, le seul emploi du mot « islamophobie » provoque des froncements de sourcils, du fait de la campagne soutenue menée par une grande partie de l'intelligentsia et des médias pour le discréditer et nier la réalité objective qu'il propose de décrire. De la même manière, l'idée qu'il puisse exister des similitudes entre l'antisémitisme et l'islamophobie soulève les passions, car elle semble s'attaquer au principe de l'unicité de la Shoah et à la théorie de la « nouvelle judéophobie ».
Malgré cette hostilité, les travaux sociologiques et historiques portant sur l'islamophobie moderne ont connu de grandes avancées ces dix dernières années. Beaucoup d'entre eux soulignent que les musulmans sont racialisés, au prétexte non pas de différences morphologiques ou « biologiques », mais de caractères culturels et religieux.
Les juifs d'Europe ayant été le premier groupe religieux à être perçu et représenté comme une race distincte, une étude croisée avec l'antisémitisme s'impose comme l'une des approches les plus adéquates.
Ce livre propose une synthèse historique et théorique rigoureuse à l'usage du grand public. Si son objectif principal est d'élucider la relation exacte entre la racialisation du juif et celle du musulman en Occident du milieu du XIXe siècle à nos jours, il voudrait également fournir un cadre théorique pour une approche globale des différentes formes de racisme.
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La ville vue d'en bas ; travail et production de l'espace populaire
Collectif
- Amsterdam
- 20 Septembre 2019
- 9782354801960
La désindustrialisation à l'oeuvre depuis les années 1970 a confiné des pans entiers des classes populaires aux marges du salariat. Tenues à l'écart des principaux circuits marchands, ces populations ont dû réorganiser leur travail et leur vie quotidienne de manière à satisfaire les besoins essentiels à leur subsistance, selon une dynamique qui confère une centralité nouvelle à l'espace urbain : pour elles, l'accès à la plupart des ressources matérielles et symboliques nécessaires au maintien d'une existence digne est intimement lié à leur ancrage territorial.
Or, les pratiques attachées à cette centralité populaire sont aujourd'hui contestées. Prises dans la course à la métropolisation, certaines villes voudraient en définitive remplacer ces populations, dont elles considèrent qu'elles « ne font rien », par d'autres issues des classes moyennes et supérieures, n'hésitant pas à agiter le spectre du communautarisme et celui du ghetto. Il s'agit, au contraire, de saisir ce qu'impliquent les processus contemporains de fragmentation de l'espace social pour des personnes qui ne sont ni plus ni moins que des travailleuses et des travailleurs.
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W. e. b. du bois : double conscience et condition raciale
Magali Bessone, Matthieu Renault
- Amsterdam
- 22 Octobre 2021
- 9782354802356
« Quel effet ça fait d'être un problème ? » Quel effet ça fait d'être à la fois Noir et Américain, quand les deux termes sont supposés contradictoires ?
C'est à travers l'examen de la notion de « double conscience », clé de l'expérience subjective des Noirs américains, que les auteur·ice·s nous invitent à découvrir l'oeuvre magistrale et multiforme du grand intellectuel afro-américain W. E. B. Du Bois, né en 1868, peu après la fin de la guerre de Sécession, et mort en 1963, à la veille du discours de Martin Luther King Jr. « I have a dream ». Leur ouvrage est la première introduction en français à cette oeuvre majeure.
De son opposition à Booker T. Washington à son adhésion au marxisme, de l'expérience de la ségrégation à la conviction que le sort de la démocratie américaine se joue dans la condition des Noirs, ce livre retrace la trajectoire de W. E. B. Du Bois et nous invite à faire nôtre son héritage.
La « double conscience » décrit le déchirement intérieur des Noirs américains, mais apparaît aussi comme la source d'une lucidité particulière sur la construction raciale des rapports de pouvoir.
À l'heure où l'écho du mouvement Black Lives Matter se fait entendre partout, à l'heure où la notion de « race » et son articulation aux principes d'égalité et de justice suscitent les plus vifs débats, l'actualité des analyses de Du Bois est brûlante. -
Micropolitiques des groupes ; pour une écologie des pratiques collectives
David Vercauteren
- Amsterdam
- 19 Septembre 2018
- 9782354801786
Partant du principe qu'« on ne naît pas groupe, on le devient », David Vercauteren examine les conditions de possibilité d'un véritable fonctionnement collectif des collectifs militants. Il se dégage ainsi de la problématique macropolitique qui a dominé jusqu'à présent pour se focaliser sur les aspects micropolitiques de groupes envisagés comme des écosystèmes. La question n'est plus : quelle est la finalité d'un groupe, son objet ou son domaine d'intervention ? mais : quel est son impensé ? comment peut-il développer une « culture des précédents », une mémoire des réussites et des échecs passés, tout en maintenant intacte l'envie d'expérimenter et de produire des formes inédites ? À travers une série de « situations-problèmes », ce livre invite les militants à envisager de nouvelles formes d'organisation politique. Mais avant tout, il s'adresse à tout lecteur soucieux de sortir des habitudes psychologisantes et individualisantes dans lesquelles la raison néolibérale voudrait aujourd'hui nous enfermer.
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Genre et féminismes au Moyen-Orient et au Maghreb
Abir Kréfa, Amélie Le renard
- Amsterdam
- Contreparties
- 7 Février 2020
- 9782354802059
Le stéréotype veut que les femmes vivant au Maghreb et au Moyen-Orient soient opprimées par une religion d'essence patriarcale et des traditions ancestrales. Ce livre voudrait donner à voir un monde différent ou, plutôt, des mondes différents.
Loin d'être un tabou, les droits et modes de vie des femmes constituent une question centrale et clivante au Maghreb et au Moyen-Orient depuis le xixe siècle, dans des situations de domination coloniale ou impériale. Au-delà des débats intellectuels, différentes formes de prédation économique, exploitation et guerre ont profondément bouleversé les rapports de genre. Si les femmes de ces régions sont souvent représentées en victimes passives, ce livre insiste sur leurs résistances et leurs mobilisations plurielles, qu'elles soient des classes populaires ou lettrées, urbaines ou rurales. Il met en lumière leurs usages diversifiés de l'islam, qui ne revêtent pas le même sens selon les contextes sociaux, mais aussi leurs mobilisations pour l'emploi ou contre les colonialismes, les guerres et les occupations : autant de sites d'engagement souvent occultés par le sens commun. Ces dernières années, d'autres luttes ont émergé à la faveur des révolutions, qui dénoncent le racisme et l'oppression des minorités sexuelles et de genre.
Encastrées dans des histoires politiques, sociales et économiques singulières, les transformations et mobilisations autour des rapports de genre dans ces pays représentent un enjeu central pour le Maghreb et le Moyen-Orient du xxie siècle.
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Du savon et des larmes : le soap opéra, une subculture féminine
Delphine Chedaleux
- Amsterdam
- Les Prairies Ordinaires
- 18 Novembre 2022
- 9782354802592
Les Feux de l'amour, Dallas, Côte ouest, Dynastie... ces titres évoquent un univers désuet, stéréotypé et fortement associé au féminin, celui du soap opera. Né sur les chaines de radio états-uniennes au début des années 1930, puis transposé à la télévision, il est d'abord financé par des fabricants de produits d'hygiène et d'entretien - d'où son nom saugrenu. Les feuilletons qui en relèvent, centrés sur la culture du foyer, sont diffusés quotidiennement l'après-midi à l'intention des femmes. Ils sont alors construits autour d'un personnage de mère courage qui prodigue des conseils moraux et pratiques à son entourage, à grand renfort de produits manufacturés dont les mérites sont ainsi vantés aux consommatrices.
S'il s'est largement transformé au gré des mutations médiatiques, sociales et politiques, le soap est resté une « technologie de genre » qui circonscrit le féminin à la vie domestique, affective et sentimentale. Mais il ouvre aussi, paradoxalement, des espaces individuels et collectifs de contestation des hiérarchies sexuées, tant à travers sa narration « ouverte », qui permet l'expression de multiples points de vue et ne délivre jamais aucune morale, qu'à travers les sociabilités féminines qu'il suscite parmi ses amatrices. Cet ouvrage se veut une invitation à découvrir la richesse de l'histoire de ce format, à l'intersection de celles du capitalisme, des médias et du genre. -
Identités et cultures ; politiques des cultural studies
Stuart Hall
- Amsterdam
- 19 Mai 2017
- 9782354801564
À l'heure où se développent en France les premiers cursus d'études culturelles inspirés des cultural studies anglophones et où les politiques de l'identité et des représentations suscitent un intérêt croissant, la publication de ce recueil de quatorze essais classiques du sociologue britannique Stuart Hall constitue un détour nécessaire par les origines multiples et complexes de ce champ de réflexion.
Intellectuel de renom international, Stuart Hall nous livre ici une généalogie critique des cultural studies, de leurs fondements théoriques marxistes et gramsciens à leur redéfinition des notions de « culture » et de « populaire », en passant par leur résistance aux disciplines classiques. Mettant en relief les préoccupations théoriques et politiques majeures des études culturelles, il interroge le concept d'« identité » et ses déclinaisons (ethnicité, race, classe, genre, sexualité) et développe une théorie qui situe la culture au coeur même du processus de construction identitaire.
Qu'il analyse la formation des cultures diasporiques, les politiques noires britanniques, les situations postcoloniales ou le concept de « multiculturalisme », Hall éclaire d'une lumière singulière nombre d'enjeux centraux de la scène politique internationale contemporaine.
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Dans le blanc des yeux : diversité, racisme et médias
Maxime Cervulle
- Amsterdam
- 19 Novembre 2021
- 9782354802394
Diversité », « lutte contre les discriminations », « statistiques ethniques » : autant d'expressions qui, depuis les années 2000, n'ont cessé d'alimenter la controverse au sein de la sphère publique française. Dans ce contexte, les domaines audiovisuel et cinématographique ont été au coeur des préoccupations et la question de la représentation des dites « minorités visibles » a été particulièrement polémique. Inversant les termes habituels du débat français autour de la « diversité », cet ouvrage propose d'interroger la construction sociale de la blanchité. Ce concept anglo américain, né à la fin des années 1980 et presque complètement ignoré en France, désigne un mode de problématisation des rapports de race : l'étude des modalités dynamiques par lesquelles des individus ou groupes peuvent adhérer ou être assignés à une « identité blanche » socialement gratifiante. Entre études histo- riques novatrices sur l'articulation entre capitalisme et racisme et enquêtes sociologiques consacrées à l'hégémonie blanche, Dans le blanc des yeux rend ainsi compte des débats qui ont renouvelé la conceptualisation du racisme et pose à nouveaux frais la question de la dimension racialisante des représentations médiatiques.
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Hot, cool & vicious ; genre, race et sexualité dans le rap états-unien
Keivan Djavadzadeh
- Amsterdam
- Les Prairies Ordinaires
- 5 Février 2021
- 9782354802226
De toutes les musiques populaires contemporaines, le rap est celle que l'on associe le plus communément à l'expression d'un discours misogyne. Mais si les rappeuses elles-mêmes décrivent souvent l'industrie du rap comme un environnement qui leur est hostile, cela fait plus de quarante ans qu'elles ont investi cet espace. Des premiers enregistrements, commercialisés en 1979, à aujourd'hui, de The Sequence à Megan Thee Stallion, en passant par Queen Latifah, Salt'N'Pepa, Lil' Kim, Nicki Minaj et Cardi B, plusieurs générations se sont succédées, avec des temps forts et des moments de transition.
Elles ont écoulé des centaines de millions de disques et participé de manière significative au développement artistique et commercial du rap, sans pour autant être reconnues à la hauteur de leur contribution.
Par leurs morceaux ou leurs prises de position publique, elles ont permis d'ouvrir un espace de discussion sur des problématiques relatives à la condition des femmes noires des classes populaires et permis de faire évoluer les mentalités dans la culture hip-hop sur un certain nombre de sujets comme la sexualité ou les violences de genre.
Prenant le parti de rendre compte tant des rapports de domination à l'oeuvre que des formes de subjectivation rendues possibles pour celles qui évoluent dans l'industrie du rap, cet ouvrage s'intéresse à la façon dont les rappeuses états-uniennes ont négocié leur place dans une industrie dominée par des hommes et fait entendre un discours sur le genre, la race et la sexualité à rebours des représentations hégémoniques. Loin de l'image homogène qu'on lui prête parfois, il s'agit de rendre au rap enregistré par des femmes toute sa diversité et sa complexité.
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Les sauvages de la civilisation : une archéographie de la zone
Jérôme Beauchez
- Amsterdam
- 3 Juin 2022
- 9782354802424
La « Zone », c'est d'abord une bande de terre large de quelques centaines de mètres qui entoure Paris. Logée entre les fortifications de la ville, édifiées dans les années 1840, et sa banlieue, elle sert aux manoeuvres militaires. Là, s'installe progressivement une population interlope - chiffonniers, mendiants, pauvres de toutes sortes - dans un fatras de roulottes, de tissus et de métaux. À la fin du siècle, chez ceux de l'extérieur, la Zone devient un objet : objet de curiosité, de fantasmes, d'angoisse, de commisération, de littérature et d'images. Bref, l'objet de perceptions hétérogènes les unes aux autres mais unies par une même tendance à regarder de haut cette population, à la dominer avec plus ou moins de bienveillance.
De la Zone, aujourd'hui devenue, par extension, la désignation de toute forme de marginalité, Jérôme Beauchez propose une « archéographie » subtile et sensible, c'est-àdire l'histoire des regards - ceux de la bohème artistique et des photographes, des chansonniers et des journalistes, des élus et des hygiénistes - qui, en la constituant en objet, ont fabriqué une catégorie d'étrangers de l'intérieur, de « sauvages de la civilisation », dont on perçoit encore la prégnance, bien longtemps après la destruction de cet espace. Des zoniers aux zonards et au-delà, ce livre raconte l'histoire des marges.
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Pour un féminisme de la totalité marque le début d'une collaboration entre Amsterdam et Période, revue en ligne de théorie marxiste lancée au printemps 2014. La collection « Période » publiera un à deux ouvrages par an, dont un numéro thématique composé à la fois de textes publiés sur le site et d'inédits.
La question de l'articulation entre race, classe et genre se trouve aujourd'hui au coeur du paysage théorique : partout se manifeste un désir diffus de penser l'imbrication des formes d'oppression et des identités, mais celle-ci est trop souvent réduite à une affaire de recoupements ou d'« intersectionnalité ». À cette perspective, l'ouvrage oppose une approche en termes de totalité, envisageant le féminisme comme une théorie des déplacements, des décalages dans le temps et l'espace au sein du capitalisme contemporain.
Le féminisme de la totalité met au centre de l'analyse le concept de « reproduction sociale » (comment sont assurés, au quotidien, la perpétuation et l'entretien de la force de travail) et de sa position au sein du système de la production. En parlant de reproduction sociale, il s'agit d'élargir la notion de « travail domestique », très individuelle et liée au partage des tâches au sein du foyer, et de penser le lien de cette dernière avec le secteur marchand de l'économie et le salariat.
L'ouvrage propose une traversée de l'ensemble des enjeux actuels du féminisme (oppression des femmes, violence sexiste, travail du sexe et travail tout court, identités LGBTQ, féminisme nationaliste, désir, famille...), en croisant les aspects socio-économiques et leurs effets psycho-affectifs, culturels et identitaires.
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La plaine ; récits de travailleurs du productivisme agricole
Elie Gatien
- Amsterdam
- L'Ordinaire Du Capital
- 16 Mars 2018
- 9782354801700
Dans la plaine de la Beauce, région spécialisée dans la céréaliculture intensive, la modernité technicienne n'admet guère de critiques. Nuisances industrielles, surcharge de travail, endettement, maladies professionnelles : rien n'y fait. Dépossédés de leur métier, les agriculteurs continuent néanmoins, consentants ou résignés, à faire le pari du progrès. Alternant portraits de chefs d'exploitation et chapitres analytiques, ce documentaire éclaire d'un jour nouveau l'engrenage productiviste. Des exploitations agricoles aux réunions syndicales, des agences bancaires aux coopératives de semences, des formations techniques aux salons agricoles, La Plaine est une enquête sociale sur le consentement des travailleurs du productivisme et sur les forces sociales de l'inertie politique.
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Si Bourdieu fait déjà figure de classique des sciences sociales, les débats que suscitent ses travaux en France sont souvent pris dans une fausse alternative entre une option polémique qui rejette en bloc son analyse de la reproduction sociale et une lecture académique à tendance hagiographique, sinon strictement instrumentale. Pour sortir de cette ornière, Burawoy décentre l'analyse de cette oeuvre en la confrontant à d'autres théories qui lui disputent la compréhension de la domination de classe, du racisme structurel et du patriarcat.
Mobilisant les apports de Gramsci sur l'hégémonie, de Freire sur la pédagogie des opprimés, de Simone de Beauvoir sur la domination masculine ou encore de Frantz Fanon sur le colonialisme, il souligne les tensions politiques d'une oeuvre qui gagne à être enrichie des enjeux historiques de son époque comme de leurs prolongements contemporains. Alors qu'aux questions toujours pressantes des ressorts de la reproduction de la force de travail et des dynamiques d'accumulation du capital se superposent de nouveaux clivages, opposant notamment les féminismes laïciste et décolonial ou l'antiracisme classiste à celui qui combat l'islamophobie, ces « conversations imaginaires » se présentent comme autant de contributions au nécessaire renouvellement des assises théoriques de la sociologie critique contemporaine.
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La crise actuelle n'est pas seulement de nature économique. L'effondrement que les pays occidentaux connaissent depuis 2008 a exacerbé une crise politique qui couvait depuis longtemps. De gesticulations en réunions au sommet, les gouvernants et leurs experts se révèlent incapables de rompre avec le néolibéralisme et n'ont qu'un mot à la bouche : austérité. Dans une prose acérée, Mike Davis analyse les causes d'un aveuglement qui conduit le monde entier vers la catastrophe. Mais c'est aussi dans ce contexte qu'est apparue une lueur d'espoir, d'Athènes à New York en passant par Madrid. Rassemblant souvent de nouveaux militants, des mouvements populaires comme Occupy sont partis à la reconquête de l'espace public, médiatique et politique. L'auteur salue la fièvre qui s'est emparée de pays que l'on croyait amorphes, raconte des vies militantes, réfléchit sur les leçons à tirer des mouvements de révolte passés et propose des solutions pratiques pour inscrire la contestation dans la durée. La situation impose de choisir entre un radical changement de cap et la mort à laquelle nous condamnent les politiques de rigueur. La gauche doit donc cesser d'être timorée ou simplement réactive pour construire une alternative concrète sur les plans politique, économique, social et écologique. Soyez réalistes, demandez l'impossible !